Je fus surpris que nous parvenions à la demeure de Baba-Yaga avec autant de facilité. A pas de loup, Baltyr et moi nous approchâmes d’une fenêtre pour épier la sorcière et, dans le meilleur des cas, repérer Cléia. - A ton avis, que s’est-il passé ? chuchota Baltyr. La chaumière était sens dessus dessous. Nulle trace de Baba-Yaga, pas plus de Cléia. A terre, une petite cage gisait. Je souris. - Je dirais que Cléia a mis les nerfs de Baba-Yaga en pelote ! Baltyr se retourna, jeta un coup d’œil périphérique et soupira : - Par où chercher ? Je réfléchissais. La boule à rêves m’avait montré Cléia seule, éplorée, au milieu de la forêt. C’est sans doute qu’elle avait cherché à traverser le bois et s’y était perdue. Peut-être s’y trouvait-elle encore. - Il faut fouiller la forêt, annonçai-je, catégorique. - Mais Svarog lui-même n’entreprendrait pas une telle tâche, objecta Baltyr. Pourtant, devant mon air revêche, il se résigna : - Hum… Tu as sans doute raison. Que pouvons-nous faire d’autre ? Et bien, nous passerons la forêt au peigne fin s’il le faut, mais nous finirons bien par la retrouver ! Comme nous nous engagions à nouveau dans la forêt, une petite tâche colorée sur une grosse pierre m’attira. Cela semblait s’agiter, se tortiller, frétiller. Je mis un genou à terre et m’approchai. Baltyr, intrigué par mon attitude, s’approcha aussi et nous fixâmes un instant la petite touche de rouge. C’était une petite coccinelle, un petit peu plus grosse que les coccinelles que l’on avait l’habitude de voir et elle battait des ailes avec frénésie sans quitter sa pierre. - Qu’est-ce que c’est ? questionna mon frère. - Tu le vois bien, une coccinelle ! - Et cela ne te semble pas étrange de voir une coccinelle dans la neige à la fin février ? ironisa Baltyr. - Hum… Maintenant que tu le dis… concédai-je avec perplexité. Je m’approchai plus près du gros caillou et vis quelque chose de vraiment étrange : ce n’était assurément pas une coccinelle comme les autres car elle se dressa sur ses pattes arrières ! Je crus à une hallucination et secouai la tête comme pour chasser un mauvais rêve. Mais quand je vis que sous les élytres, se tenait un tout petit bonhomme à la tête minuscule et dont les yeux me fixaient, je me dis qu’il n’y avait plus de doute possible sur la folie ! - Je n’en crois pas mes yeux, s’ébahit mon frère. En un siècle, c’est la première fois que j’en vois un ! - Tu sais ce que c’est ? m’extasiai-je. - C’est un esprit de la forêt, un esprit du peuple des Invisibles ! Il est rare qu’ils nous honorent en se montrant. C’est alors que nous remarquâmes que l’Esprit agitait ses bras au dessus de sa tête pour capter notre attention. Quand ce fut fait, il nous fit signe de le suivre. C’était surréaliste ! Intrigués, nous nous mîmes à le suivre sans même nous consulter. Il s’agissait de ne pas perdre de vue « l’insecte » dans le bois. - Baltyr, sais-tu s’ils savent parler ? - Oui, mais leur voix est tellement ténue que nous ne l’entendrions certainement pas ! Il fut plus aisé de suivre la coccinelle que nous l’avions pensé au début. En effet, dans la pénombre du sous-bois, elle se mit à dégager un léger halo de lumière tout autour d’elle comme un ver luisant. Notre avancée laborieuse me rappela avec un pincement au cœur la chasse au papillon qui m’avait conduit à Cléia. Svarog seul savait où elle était à présent et nous nous amusions à suivre une sorte de coccinelle à corps de fée !
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