Aglawan
Ça faisait déjà une heure qu’Aglawan marchait dans la Taïga par un temps froid de décembre. Quel stupide domovoy d’être parti à la recherche de Doubynia par un temps pareil pour récupérer un vieux tronc d’arbre me diriez vous ? Et bien non ! Ce n’est pas pour cette raison qu’il se retrouve paumé en pleine forêt en hiver. Il a juste eu la flemme de réparer son izba lorsque je temps était favorable et maintenant qu’il fait froid celle-ci s’est effondrée et il est à la rue. Voici donc une situation bien difficile pour notre bon petit domovoy (pas très intelligent il faut le dire) mais néanmoins bien brave pour ne pas abandonner et continuer à avancer par un temps pareil.
Alors qu’il marchait donc, le vent se faisait toujours plus violent. Les arbres centenaires de cette forêt résistaient tant bien que mal aux rudes rafales qui s’abattaient sur eux. C’est alors qu’Aglawan sentit le sol se dérober sous ses pieds. Glacé jusqu’aux os, il ne pu pas faire grand chose et se laissa emporter.
Il tomba alors dans un grand trou sans fond, qui s’avéra avoir un fond en fait quelques mètres plus bas. L’atterrissage fut un peu rude, mais heureusement, avant de devoir quitter les ruines de son izba, Aglawan avait engloutit toute la nourriture restante qu’il ne pouvait pas transporter et était maintenant doté une remarquable réserve de graisse qui amortit la chute. Lorsque la poussière se fut dispersée et qu’il pu enfin voir où il se trouvait, il découvrit une ravissante demeure très décorée et bien aménagée.
Il se trouvait dans une sorte de salon, où brûlait un feu de cheminée. Un grand fauteuil était disposé en face de celle-ci, tellement grand qu’il semblait pouvoir être celui d’un géant. Sa taille apparente était en plus augmentée par le fait qu’il était entouré de trois tout petits fauteuils de chaque côté. Ceux-ci étaient verts alors que le grand était rouge, tout comme la grande partie du reste de la pièce. De nombreux tapis étaient disposés dans toute la pièce, et les murs recouverts de magnifiques tableaux. Mais l’attention d’Aglawan se fixa lorsqu’il découvrit une gigantesque porte en face de lui, qui prenait presque toute la surface du mur. Des pas commençaient à se faire entendre. Des pas énormes ! Lorsque la poignée de la porte tourna, son cœur de fit qu’un bond dans sa poitrine. Il s’attendait à voir apparaître n’importe quoi. Un monstre, un géant, un animal, une créature venue du fin fond des enfers, ou même autre chose de plus terrifiant encore qu’il ne pouvait même pas s’imaginer. La porte s’ouvrit, et c’est alors qu’apparu …. Le père noël ! Ce bon vieux grand père barbu vêtu de rouge et blanc, suivit d’une dizaine de petits lutins ! La terreur d’Aglawan fut immédiatement remplacée par de la confusion totale. Que faisait le père noël dans la Taïga ? Ou plutôt sous la Taïga ? Le vieil homme, rond et joufflu comme dans toutes les représentations populaires, s’avança vers lui, se pencha pour mieux le regarder et dit :
- alors c’est toi qui as saccagé ma maison ! regarde un peu ce foutoir ! il va falloir me nettoyer tout ça ! et qui va nettoyer … ?
Aglawan supposait déjà qu’il devrait réparer ses propres dégâts.
- et bien que faites vous encore là !? allez donc chercher de quoi faire le ménage et mettez vous au boulot ! lança-t-il soudain à ses lutins.
Les pauvres petits lutins surpris pas la grosse voix soudaine du père noël sursautèrent avant de tous partir en trottinant dans tous les sens et en se percutant les uns les autres dans la plus grande confusion.
- pardonnez moi de vous accueilli ainsi mon bon ami, dit alors le vieil homme en aidant Aglawan à se remettre debout. C’est un peu l’agitation ici.
- Vous êtes vraiment le père noël ?
- Et qui voulez vous que je sois d’autre ? vous en connaissez beaucoup des gens qui sont habillés comme des ploucs par tous les temps et qui ne se rasent jamais ?
- Non c’est vrai…mais qu’est ce que vous faites ici ? vous vivez en Laponie normalement.
- Est-ce que vous avec une idée du nombre d’abrutis qui partent en Laponie risquer leur vie dans les forêts en plein hiver tout ça pour me trouver !? je suis obligé de me planquer et de changer d’habitation tout le temps pour rester caché. Ici au moins je suis tranquille…enfin, je l’étais.
- Oh ! rassurez vous ! je ne dirais rien ! rien à personne vous avez ma parole !
- Oui, j’ai déjà fait confiance à quelqu’un d’un peu comme vous, tombé par hasard sur mon abris, et deux jours après j’ai du déménager parce que le coin était infesté de journalistes.
- Mais je ne dirai rien !
- Mm…et que fait un …mais qu’est ce que vous êtes au fait ? un lutin ? un nain ? un troll ? ou quelque chose de plus bizarre encore ?
- Moi je suis un domovoy. Un esprit domestique. Mais je n’ai plus de maison. Donc j’imagine que je n’en suis plus un ... je suis perdu et seul …
- Oh mon ami je vous interdis de pleurnicher ainsi. Vous cherchez une maison ? et bien je ne peux pas vous garder ici, j’ai bien trop à faire.
- Oui je m’en doute, vous avez tous ces jouets à fabriquer…
- Ne soyez pas stupide mon cher ! vous imaginiez que je fabriquait moi-même tous les jouets pour tous les enfants de la Terre ! Ha haha ha haha haha ! je ne suis pas Superman ! même si j’aurai bien aimé être jeune et musclé …ha…enfin non, les gens préfèrent un vieux barbu, chauve et gros, tant pis ! heu… qu’est ce que je disais ? ha oui, ce sont mes lutins qui travaillent ! ma seule occupation est de gérer les aller et venue de tout ce petit monde. Sans ça, il en grouillerait partout de ces petites bêtes. Entes nous : ils ne sont pas très malins. Enfin, si vous cherchez un abris, je peux vous indiquer un endroit où vous serez bien reçu : c’est la maison des trois ours, environ à 500 m plus haut dans la montagne, mais ce n’est pas trop raide vous y serez vite arrivé.
- Bien, merci beaucoup. Vous m’êtes d’une grande aide. Je serai mort de froid si je restais dehors cette nuit.
Et voici donc notre petit domovoy reparti dans le froid en direction de la maison des trois ours, bien qu’un peu troublé par le fait d’être hébergé chez des ours. Alors qu’il marchait, le vent s’était calmé et une légère brume recouvrait la forêt. Il distingua alors deux silhouettes se dirigeant vers lui, qui se révélèrent être un homme et une femme, portant chacun l’inscription F.B.I. sur leur veste, dont Aglawan ignorait la signification.
- bonjour, nous cherchons la vérité. Dit la femme en apercevant Aglawan
- Pas vu. Moi je cherche la maison des trois ours.
- Cent mètres plus loin.
- Merci
- Saperlotte, cette maudite vérité est toujours ailleurs … lança l’homme en s’éloignant.
Drôle de personnages se dit Aglawan. Enfin, il était sur la bonne piste et ne tarda pas à découvrir une ravissante petite maisonnette, un peu étrange cependant car il y avait trois portes. Une petite, une moyenne et une grande, côte à côte. Enfin, il frappa à la porte de taille moyenne. Lorsque la porte s’ouvrit, il découvrit un ours habillé d’un tablier rose et d’un petit chapeau.
- bonjour ! bien venu dans la maison des trois ours ! le père noël nous a prévenu de votre arrivée.
- Ah ! pourtant je viens de le quitter, comment a-t-il …
- Bah ! par téléphone ! soyez moderne mon brave ! tout le monde à un portable de nos jours, même les ours !
Aglawan entra, et s’aperçu que tout, absolument tout dans la maison était décliné en trois tailles. Chaque objet était fait en triple, à la taille de chacun des trois ours ! Même le chat, enfin, les chats.
- Voyez vous mon cher, c’est que je ne peux pas vous accueillir convenablement. Je vais donc vous demander d’aller chercher refuge chez un bon ami à moi qui n’habite pas très loin d’ici. Vous y serez bien reçu !
- C’est gentil merci. Mais qu’est ce que c’est ? demanda t il en désignant papa ours avec un grand balais et bébé ours avec un petit balais essayant de chasser quelqu’un d’un fauteuil. Il s’aperçu alors que maman ours tenait un balais moyen à la main
- Oh ! et bien c’est la raison pour laquelle je ne peux pas vous recevoir. C’est boucle d’or. Une petite fille cleptomane qui s’est introduite dans la maison et qui ne veux pas en partir. Enfin, mon ami habite un peu plus haut dans la montagne. Vous y serez rapidement. Dites lui que vous venez de ma part il n’y aura pas de problèmes.
- Ah, il n’a pas de portable lui ?
- Mais non ! bien sur que non ! comment ferait il le pauvre pour s’en servir, ne soyez pas stupide ! allez, bonne route !
Sur ce maman ours ferma la porte et le pauvre Aglawan se retrouva encore une fois tout seul dans la forêt, se rendant chez … il ne savait même pas chez qui il allait.
Enfin bon, il découvrit effectivement quelques centaines de mètres plus loin, une grande maison, un peu vieille mais assez luxueuse. Il sentait déjà le feu de cheminée lui réchauffer les orteils…mais lorsqu’il frappa à la porte, celle-ci s’ouvrit toute seule. Un peu inquiet, il entra dans la maison apparemment vide. Il arrivait au centre de la pièce lorsqu’une ombre blanche traversa le mur et se trouva en face de lui. Il était face à un fantôme !
- Bonjour ! je suis Casper ! vous vous êtes perdus ?
- AAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! fut le seul mot qu’il put prononcer avant se s’enfuir à toutes jambes.
- Oh ! les gens sont vraiment impolis ! ils rentrent tous dans ma maison sans y être inviter et s’en vont comme ça ! les gens sont bizarres …
Alors qu’il courrait toujours, Aglawan se rendit compte qu’il n’avait plus aucune idée de l’endroit où il se trouvait. Il s’arrêta donc, s’assis par terre et sentit les larmes lui monter aux yeux. Mais il sentit quelque chose de froid et dur sous sa main qui retint son attention. Il trouva alors une vieille lampe à huile, à demi enfouie dans la terre. Elle n’était pas très belle, mais peut être aurait elle une quelconque valeur chez un antiquaire. Il l’inspecta, et frotta un peu la lampe pour la nettoyer. Alors, celle-ci se mit à vibrer, puis on aurait dis qu’un éléphant essayait de sortir d’elle ! Aglawan lâcha la lampe, et ce ne fut pas un éléphant qui sortit de la lampe, mais un grand personnage bleu.
- Bonjour ! je suis le géni de la lampe ! parle maître, et j’exécute !
- Oh ! un vrai géni ?
- Oui, vrai de vrai ! tu as le droit à deux souhaits, alors choisis bien !
- Deux ? normalement c’est trois !
- Avant c’était trois ! mais maintenant c’est deux. Les temps sont durs, c’est la crise chez les géni, il faut faire des économies ! bien, a tu décidé ?
- Heu…c’est que … c’est difficile ! deux souhaits …ah ! mais bien sûr ! je voudrais une maison ! la mienne s’est effondrée.
- Tes désirs sont des ordres, maître ! dis le géni avec un grand sourire
Et dans un grand nuage de fumée, le géni fit apparaître une maison … de poupée !
- Ah ! mais ce n’est pas du tout une maison de poupée que je voulais ! je voulais une vraie maison ! pour y habiter !
- Tu n’as pas précisé la taille ! je t’ai dis qu’il fallait faire des économies ces temps ci ! tu es dur d’oreille ? peut être voudrais tu un coton tige en deuxième souhait ?
- Non ! je vais trouver quelque chose sur lequel tu ne pourras pas m’avoir ! alors…Ah ! je sais ! je voudrais que MON izba, qui s’est effondrée hier, retrouve son allure d’origine !
- Tes désirs sont des ordres, maître ! dis le géni avec le même sourire.
- Ça y est ? tu es sûr ? tu ne m’as pas escroqué cette fois ci ?
- Non, ton izba est dans son état d’origine !
- Bien, maintenant emmène moi là bas !
- Ah non ! deux c’est deux ! au revoir…pigeon ! sur ce le géni rentra dans sa lampe.
- Hé ! reviens ! tricheur !
Mais la lampe ne bougea pas d’un pouce. Alors, fou de rage, il lança la lampe loin dans le ravin (oui, il y avait un ravin juste à côté). Après qu’il se soit calmé, Aglawan se rendit compte qu’il lui aurait peut être suffit de frotter la lampe une nouvelle fois pour avoir deux souhaits supplémentaire. Zut ! Mais il savait désormais son izba réparée, et n’avais plus qu’à retrouver son chemin. Mais comment ? Il ne savait pas où il était. Il commença donc à marcher, vers le pied de la montagne, pour se repérer plus facilement une fois en bas. Lorsqu’il y fut…cela ne l’avança pas plus en fait car il ne reconnaissait rien. Il réfléchit alors, retrouvant son calme. Alors qu’il désespérait, il demanda à un renard qui passait : « tu ne saurait pas dans quelle direction se trouve mon izba toi ? » naturellement il ne s’attendais pas à une réponse, mais se sentait seulement au fond du gouffre. Mais le renard lui répondit :
- si tu parles du tas de ruine qui s’est transformé tout à l’heure, si je sais où il est.
« Ne pose pas de question, tu ne veux pas connaître la réponse » se dit Aglawan dubitatif.
- et tu pourrais m’y conduire ?
- seulement si tu me donne à manger. J’ai faim, et ce vieux corbeau vaniteux ne marche pas à tous les coups.
- Oui, j’ai de la crème dans mon sac, et du pain. Je t’en donnerai dès que tu m’y auras conduit.
- Bien, dans ce cas c’est par ici, lui dit le renard en s’éloignant
Aglawan, retrouva espoir tout à coup et se mit en route à la suite du renard. Une petite heure plus tard, alors que la nuit tombait, le renard s’arrêta.
- C’est là, lui dit il.
- Mais … mais …
Aglawan en était bouche bé. Devant lui, à l’emplacement exact de son izba, se tenait maintenant… des arbres ! Le géni avait transformé les ruines non pas en izba toute neuve, mais bien avant ça, en les arbres qui avaient fournis le bois.
- Maudit géni ! je n’ai plus rien !
- Si tu as encore du pain et j’en voudrai bien.
- Je suis perdu ! se dit Aglawan en lançant une miche de pain au renard qui s’en alla avec.
Aglawan, désespéré, se retourna et s’enfonça à nouveau dans la Taïga. Il retrouva le trou qu’il avait fait en tombant dans la maison du père noël, et, en désespoir de cause, s’y laissa tomber à nouveau.
- Tiens, revoilà notre … domovoy c’est ça ? qu’est ce qu’il vous arrive mon brave ?
- Et bien, je n’ai plus d’izba, je suis mort de trouille à l’idée de m’aventurer encore plus profondément dans la forêt et de rencontrer des trucs bizarres, je suis perdu, je n’ai plus rien. Je voulais savoir si … si vous n’auriez pas du travail pour moi.
- Alors comme tu ne peux plus être un esprit domestique faute de maison, tu veux devenir lutin du père noël ? Mais bien sûr mon ami ! mais tu ne sera pas seulement un lutin parmi les autres, tu sera lutin développeur ! une créature comme toi a sûrement beaucoup d’idées ! les enfants se désintéressent de plus en plus des jouets traditionnels tu sais.
- Alors c’est vrai je peux rester ici ! oh ! c’est merveilleux ! je vais devenir lutin du père noël ! lutin développeur du père noël ! ah ! si ma mère savait elle serai fière ! on a jamais eu de lutins dans la famille ! je crois avoir un arrière grand oncle qui était elfe, mais des lutins ça non !
Et voici donc notre bon petit domovoy, devenu lutin du père noël, qui a retrouvé une maison, un ami, et un emploi, et qui va sûrement vivre encore des aventures fabuleuses dans ce nouveau monde. Mais ça c’est une autre histoire…
Oyo Choup. |