Le seul problème, c’est qu’il n’y avait pas moyen d’avancer à couvert partout. J’avais très peur que même au ras du sol, on nous découvre. Géants, mauvaise vue, avait murmuré Boon. Cela ne me rassurait qu’à moitié. Nous courions. Enfin, je courais et Boon voletait à côté de moi. Lui aurait pu aller bien plus vite que moi s’il l’avait voulu. Mais il restait à mes côtés, calme et souriant. Comment faisait-il ? Nous traversâmes le long couloir sans souci. La porte ! Pouvait-on parler de porte quand ce que l’on a en face de soi ressemble plus à un mur infranchissable ? Boon laissa échapper un « houp » de dépit. Allons, Boon, tu ne pensais tout de même pas que toutes les portes nous seraient ouvertes ? « Bienvenue, étrangers ! » n’était pas le message d’accueil des géants, à mon avis ! Je pris ma boule à rêve pour lui demander conseils et au moment où je l’effleurais seulement, on entendit un « clinc » sec et bref. Boon me regarda comme si, d’un coup, j’ »tais devenu un grand magicien doté de pouvoirs fabuleux. Nous levâmes la tête vers le haut de la porte : le penne était déclenché ! Si la boule nous offrait une aide aussi constructive, le séjour dans les falaises de sable ne serait qu’une formalité ! On nous fallu batailler fort pour tirer la porte afin de créer un espace suffisant pour nous y glisser. Mais à force de nous obstiner, la porte finit par s’entrebâiller et nous passâmes de l’autre côté où un ait frais vint nous frapper le visage. BLANG !!! Par la barbe de Zmeï ! A peine avions-nous franchi le seuil de la porte qu’un courant d’air la fit claquer bruyamment. Oh, bien sûr, nous avion essayé de la retenir, mais que pouvaient faire deux êtres magiques de la taille de gros rats contre une porte vingt fois plus grande qu’eux ? Je jetai un regard circulaire pour avoir une vision d’ensemble de la pièce dans laquelle nous nous trouvions. Il devait s’agir d’une salle d’entraînement ou une salle d’armes car des sabres, des épées, des fléaux, des fouets, des poignards et des tas d’autres objets tranchants étaient fixés aux murs. De monumentales fenêtres étaient restées béantes par lesquelles s’engouffrait un vent sifflant et brusque. Face à nous, une porte, fermée celle-là aussi, était notre seule possibilité de sortie. Hélas, on entendait déjà les pas lourds et précipités de la garde qui venait voir ce qui avait causé un tel raffut. Viens ! soufflai-je à Boon. Je courus aussi vite que je le pus vers les fenêtres ouvertes et me tins sur le rebord avec mon ami, tâchant de se faire les plus petits possibles pour que l’on ne nous voit pas. Je supposais que les géants chercheraient un adversaire de leur taille et ne regarderaient pas à leurs pieds. Ce ne fut pas long avant qu’une garde constituée d’une dizaine de géants armés jusqu’aux dents entre dans la pièce. Ils se déployèrent avec ordre, scrutant partout en proférant des menaces incompréhensibles pour moi. Une modèle de langue abyssale selon moi. Je me dis alors qu’il vaudrait mieux ne pas avoir à discuter avec ces gros balourds… Nous nous fîmes encore plus petits quand nous vîmes un garde particulièrement hideux s’approcher de notre fenêtre. Je saisis prestement les feuilles qui jonchaient le rebord de la fenêtre et nous en recouvris. Pouah, quelle puanteur ! Des feuilles en décomposition ! Le géant regarda en dessous de lui, à droite, à gauche, très attentivement, mais il ne nous vit pas ! Il se retira de l’encadrement de la fenêtre pour dire à ses camarades qu’il n’y avait rien d’anormal et que la porte avait dû claquer à cause du courant d’air. Il ajouta qu’il faudrait penser à boucher ces fenêtres car il gelait à pierre fendre dans la salle d’armes. Ma traduction n’est pas littérale, cela va sans dire, c’est Boon qui m’offrit les sous-titres tout bas. Le rang se reforma et ils quittèrent la pièce en ordre par la porte qui était restée fermée. Alors que nous commencions à nous détendre et à nous dégager de notre tas de feuilles nauséabond, le géant de tout à l’heure repassa sa tête par la porte, son gros mufle reniflant vivement. Mais il finit par secouer la tête, se blâmant sans doute d’avoir eu une hallucination olfactive et sortit pour rattraper son équipe. Quelle chance ! La porte était restée grande ouverte derrière lui !
Bien, bien, bien, je vous raconterais la suite de nos aventures une prochaine fois. Avant que vous partiez, acceptez ce modeste bouquet de jonquilles, il embaumera votre izba et vous fera attendre le retour du soleil!
|