Ce fut un scandale. Elles étaient jeunes, belles, riches, nobles, nonnes et dissipées. Ce fut un tel scandale que le bruit en remonta jusqu'à Paris. C'était loin, Paris, en ce temps-là ! Des journées à cheval ou en diligence. La Provence était "la province lointaine", quasi exotique, et l'affaire ne partait même pas d'une grosse ville, Avignon, Marseille ou Toulon, mais du fond d'un vallon perdu au pied du massif de la Loube, à trois kilomètres de Brignoles, à l'écart de tout grand chemin. Pourtant le cardinal Mazarin s'en mêla - avec l'appui de la reine mère Anne d'Autriche, en attendant que le petit Louis XIV se fasse assez grand pour intervenir lui-même en 1660. Cette année-là, le jeune roi qui n'était pas encore Soleil - il avait tout juste 22 ans - prononça l'arrêt de mort de l'abbaye de La Celle où vivaient encore vingt-quatre "recluses"... qui ne l'étaient plus depuis belle lurette. Et toute l'affaire était là, dans les libertés que prenaient ces Bénédictines "hors normes". On jasait ferme au village, et bien au-delà, sur le compte de ces drôles de religieuses qui n'avaient cure de la Règle. Les choses avaient bigrement évolué depuis le Ve siècle où un premier et austère monastère avait été bâti dans le vallon propice au recueillement sacré. Au XIIIe siècle encore, Garsende de Sabran, Reine de Provence, était venue prendre le voile en la nouvelle abbaye surgie parmi les églises et prieurés pour obtenir sur ses vieux jours "rédemption de ses péchés". L'épigraphe gravée sur son tombeau assure qu'elle avait "méprisé le monde pour reposer dans l'éternité". (Auparavant moult troubadours avaient eu le temps de célébrer ses charmes, y compris par écrit).
A suivre...
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