Huit mots à mettre dans l’ordre : Entrepont ; concrétion ; Redon ; Jack ; rameau ; phase ; touche-à-tout ; bisulfure.
Le thème : récit d’une digestion difficile.
Ce repas avait été divin. Du moins, je le croyais. Ambiance romantique, à bord d’un bateau de rêve, qui m’emmenait vers une destination de rêve, gagnée dans un concours de mots fléchés, dont je n’imaginais même pas atterrir en 32ème de finale. Le rêve dans toute sa splendeur.
Soudain, en prenant l’air sur le pont avant (comme dans le film Titanic, mais toute seule), je fus prise d’atroces douleurs au ventre, caustiques et acides, et dans le bas du dos. Le mal me terrassait, tant physiquement que psychiquement, et après avoir lutté, pendant un temps qui me parut interminable, je m’effondrai sans connaissance sur les planches de l’entrepont.
Mais comme tout gagnant d’un concours, j’étais le cheveu sur la soupe d’une société huppée qui n’avait nul besoin de moi, et se passait tellement bien de ma présence que personne n’avait perçu mon absence soudaine !
Il fallut qu’un couple (illégitime, ça va de soi !) s’écartat de l’ambiance locale pour échanger quelques lutineries dans la direction où je gisais, pour donner l’alerte au médecin de bord, avec quelques heures de retard, les « tourtereaux » ne voulant pas se compromettre dans un frai douteux par rapport à leurs partenaires respectifs !
C’est donc le lendemain midi qu’on me retrouva, et qu’on me transporta dans l’infirmerie de bord. Lorsque j’eus repris mes esprits, le médecin de bord m’indiqua qu’il allait procéder à une radio et quelques examens complémentaires. Le bateau étant luxueux, les équipements hospitaliers étaient complets, et on me fit la « totale », eu égard à mon statut de gagnante de concours. Le verdict me fût annoncé le soir même :
- Madame, vous souffrez d’une très conséquente concrétion dans le rein gauche, il va falloir dissoudre ce gros caillou ! - Qu’est-ce qu’une concrétion, Docteur, me risquai-je ? - Un calcul, madame, vous savez sans doute ce que c’est ?
Un peu interloquée, je répondis machinalement « oui, bien sûr »… j’en savais rien du tout, mais j’avais pas envie de passer pour une « grosse truie » sortie de sa campagne pour aller passer un concours à la capitale, et retourner dans son patelin après… !
J’ai donc demandé un dictionnaire, prétextant que c’était mon livre de chevet, et que je ne pouvais pas m’endormir, sans en avoir lu quelques pages… (rapport aux mots fléchés…) pour me détendre ! Je n’avais jamais croisé la concrétion dans mes exercices… c’est cruel, ça, avoir ce truc à l’intérieur de moi et ne pas en connaître la substantifique moelle ! Une pierre dans mon rein, et je n’avais rien senti ?
Et pourquoi, alors que j’accomplissais un rêve, celui de me trouver sur un super bateau, avec la fierté d’être une championne, mon organisme, qui m’avait toujours été fidèle, me trahissait soudain ?
Le grain de sable qui venait gripper la mécanique ? Ah non ! Alors, dans ce cas, comment expliquer le dévouement du médecin chef du bateau à mon égard, le Docteur Redon, moi qui n’ai rien à voir avec le genre de clientèle habituelle de ces croisières, style Love boat ????
Je me risquai à poser cette question existentielle à Jack, mon nouvel ami Docteur, qui manifestait de la sympathie pour moi, (j’avais lu son prénom sur sa blouse de médecin), et celui-ci me répondit qu’à un moment ou un autre, il y avait toujours un rameau de l’arbre de notre vie qui éprouvait le besoin de casser, et qu’un autre pousserait à sa place. Cette phrase me laissa dubitative, et la fatigue de ces heures éprouvantes, plus les doses de calmants pour la douleur achevèrent de me plonger dans une première phase de sommeil…
Un peu plus tard, je me réveillai dans une cabine agréable, mais qui n’était pas la mienne. J’eus un peu de mal à retrouver mes esprits, mais la sensation que j’avais été rouée de coups dans le bas de mon corps me fit rapidement retrouver une totale autonomie de mon cerveau… à défaut de celle du corps. J’essayai bien de me lever, mais il me fut impossible de poser un pied par terre. Je remarquai quand même des bouquets de fleurs partout, et, au lieu du hublot normal d’une cabine de bateau, une fenêtre carrée, emplissait la pièce d’un soleil agréable… je ne sentais pas l’odeur des embruns, je n’entendais plus la mer… mais où étais-je donc ? Je ne savais pas grand chose, mais je savais que j’étais bien sonnée… ! Je remarquai sur la table de nuit un dictionnaire, mon livre de chevet, et j’en étais là de la découverte de mon nouveau domaine quand la porte de la cabine ou ce qu’il paraissait en être une s’ouvrit, une charmante jeune femme me tendit un portable et me dit : c’est pour vous, madame ! Mon étonnement était total !
Je pris l’appareil, et entendit au loin, dans une ambiance qui me parût « maritime », la voix du Docteur Redon qui me demandait si tout s’était bien passé ! Mais que s’était-t’il passé ???? Je n’en savais rien ! En entendant le son de ma voix, encore un peu faible, mais tonique, il éclata de rire, et m’annonça qu’on avait du m’évacuer d’urgence, pour m’opérer du calcul rénal qui menaçait de me rendre paralysée pour le restant de mes jours ! L’infirmière qui m’avait apporté le téléphone n’eut que le temps de reprendre la conversation avec le docteur, pour lui annoncer que je m’étais évanouie de nouveau !
L’opération avait été « sérieuse », me dirent le chirurgien et l'anésthésiste plus tard, et lors de ma convalescence, dans la clinique où j’avais été transportée, j’eus la surprise de recevoir la visite du bon docteur, rentré de ce voyage, ce qui ne manqua pas de m’étonner, compte tenu de l’intérêt qu’il portait à mon cas… cette visite, fut la première d’une longue série, il venait toujours avec, soit un bouquet, soit un livre, un cd… bref, il me couvrait de cadeaux ! Moi, la petite célibataire, presque vieille fille, un peu touche à tout, quel intérêt avais-je à ses yeux ????
Nous parlions un peu de tout, nous nous racontions nos vies, il m’expliqua qu’avant de faire médecin sur les bateaux de croisière, il avait été médecin de bord sur des cargos, et que sa passion première avant la médecine avait été la chimie, un spécialiste des bisulfures… encore un mot à rajouter à mon dictionnaire de mots fléchés… !
Un matin, je le vis arriver, c’était je crois la veille de ma sortie, endimanché, avec un énorme bouquet de fleurs, gêné, bafouillant, et me demanda, dans un murmure presque, que j’eus du mal à percevoir : « voulez-vous m’épouser ? »
Aujourd’hui, nous partons en croisière pour les Seychelles, mais en touristes !
Nous fêterons sur un bateau nos 10 ans de mariage !
Moralité, il y a des fois des digestions difficiles, mais quand c'est passé, ça peut mener tout droit au bonheur !!!
Le principe de cet exercice est de prendre des mots selon votre inspiration, hasard ou pensée du moment (pour ce texte, j'ai ouvert le dico, pointé mon doigt avec les yeux fermés, et noté le mot sous mon index (non, pas le robot injection bad code..., pour les habitués du tchat...) et de définir un thème, je devais avoir mal au ventre ce jour là), et le reste est au bout du stylo... J'ai respecté une règle, c'est de mettre les mots imposés dans l'ordre où je les ai tirés. Je vous propose donc de me/vous mettre au defi avec la même règle, et j'ai demandé à Nicolas d'ouvrir une nouvelle rubrique à cet effet ! En attendant, voilà le résultat de mes périgrinations ! Les joutes sont ouvertes !!!!
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