A. LAO ZI (suite et fin)
Dans le Daode jing, il s’agit surtout d’un saint souverain, sorte de démiurge, anthropomorphisée du Tao en ce sens que, immobile meneur du monde, il en assure le salut par sa seule existence insoupçonnée par le non-agir, en se plaçant au centre Un.
Cette image du Saint se combine avec une tendance « primitiviste » qui n’est pas propre à Lao Zi et se retrouve dans plusieurs courants de la pensée chinoise et qu’on retrouve ensuite dans le taoïsme. Elle s’exprime par la croyance en une société humaine primordiale et idéale où le souverain, ici le Saint, n’intervient pas, où la loi naturelle joue spontanément et sans entraves de telle sorte que l’ordre s’établit harmonieusement entre les hommes et la Nature et le Ciel. « Des métaphores cosmogoniques, liées à des thèmes mythologiques, celles du Chaos, de la Mère, invitent au Retour au sein de l’indifférencié primordial, à l’Enfance et sur le plan social, à une anarchie heureuse et harmonieuse qui serait originelle ».
Cela résume brièvement l’apport idéologique ou philosophie du Daode jing au taoïsme. Il y a certains commentateurs ou commentaires comme Heshang Gong (au plus tard au début du IVe siècle) et Xiang er vers la fin du IIème siècle, le Jiejie (IV siècle au plus tard) qui répond à un aspect différent du Lao Zi, on peut ainsi voir le Daode jing comme l’aboutissement auquel conduisent sur le plan de la pensée les pratiques de longévité, comme un traité théorique ayant trait à ces pratiques qui ferait par endroit allusions à celles-ci sous forme codée. Des formules incompréhensibles sur lesquelles les traducteurs et commentateurs ont « sauté à pieds joints » pendant des siècles telles que « l’esprit de la vallée » « la femelle obscure » etc. laissent penser qu’on les rapproche des documents archéologiques exhumés ces dernières années, qu’elles pouvaient être des allusions à ces pratiques.
Sa forme poétique et scandée suggère qu’il était sensé acquérir une force incantatoire par répétition rythmée de récitations qui renforcent une pratique, et destiné à être changé et mémorisé, comme cela ait fait dans certaines sectes religieuses.
Les textes qui traitent de longue vie date du IIIe et IVe siècle avant J.C, les fouilles archéologiques nous les ont fait connaître, ils induisent à penser que cette façon de voir et comprendre le Lao Zi, si elle ne l’épuise certainement pas, loin de là, n’en donnent la véritable envergure.
Cet ouvrage a différentes interprétations A. Waley et R.G. Henricks montrent qu’il joue sur les mots et ont fait ressortir la nature ambiguë du langage utilisé, ce qui correspond à une attitude récurrente dans le taoïsme. Ce texte compris de façons variées selon toutes sortes de tendances – légiste, confucianiste, bouddhiste, et taoïste. Mais le propos est à signaler que certains auteurs taoïstes ont à tous les siècles, commenté, interprété et cité le Daode jing dans l’optique précise de leurs pratiques, si différentiels soient telles, soit qu’une tradition se soit maintenue dans le taoïsme et considérer cet ouvrage comme recelant des allusions à des pratiques de longévité, soit des formules absconses.
Ses phrases énigmatiques ont été des morceaux de choix pour des interprétations de ce genre. « La femelle mystérieuse (Lao Zi 6) a été le couple Ciel Terre qui, transposé en termes de techniques respiratoires, est celui du nez (Ciel) et de la bouche (Terre) l’expression « embrasser l’Un » (Lao Zi 22) a servi à des exercices de méditation « Mainmi’an ruo zun » du Lao Zi 6 (qui signifie « continûment » - à la façon d’un fil qui se déroule – et comme constant ») fut souvent cité pour illustrer le rythme continu et imperceptible que doit prendre la respiration. « connaître le blanc et garder le noir’ (-Lao Zi 28) « cette chose confuse née avant le Ciel et la Terre (Lao Zi 25) « indistincte et vague » dans laquelle « il est une image » « une essence très fiable » (Lao Zi 21) et d’autres encore, nombreuses, ont évoqué pour les taoïstes soit certaines méthodes de méditation, soit certaines phrases de leur ascèse, soit encore des données cosmologiques et anthropologiques fondamentales dans leur pensée.
Prochaine Etude B. SHUANG ZI – personnage fondateur du taoïsme -
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