Il était une fois, dans la province lointaine de Tolog, une pomme de terre sans nez. Cela vous paraît anodin, mais la petite pomme de terre en souffrait beaucoup, car toutes ses consoeurs se moquaient d’elle : « hé quoi, tu n’as pas de nez alors que tant d’humains ont des nez en patate ! Tu n’es vraiment pas digne d’être une pomme de terre ». Même les patates douces tenaient des propos très durs à son encontre : « pomme de terre sans nez est bien mal née ».
Un jour elle n’y tint plus. Elle décida de quitter Tolog et chercha à s'engager dans la marine. Elle alla trouver une petite pomme de mer tuberculeuse à la peau fripée qui possédait plusieurs vaisseaux. Quand elle lui demanda si elle pouvait rejoindre son équipage, le capitaine éclata de frites : « hé quoi, tu veux jouer à la patate nasale hahaha ». Ce fut le jeu de mots de trop. La pauvre pomme de terre sans nez, sombra dans une grande déprime. Elle pleura pendant plusieurs semaines tout l’amidon de son corps, jusqu’au jour où elle prit la décision de consulter un psychopatatologue.
Le psychopatatologue : Qu’est-ce qui vous amène ici ? La pomme de terre : je n’ai pas de nez. Le psychopatatologue : oui, je l’aurais deviné, cela se voit comme le nez au milieu… enfin bref, ce petit défaut vous pourrit la vie ? La pomme de terre (sanglotant) : tout à fait, je n’ai plus du tout confiance en moi. Le psychopatatologue : bien, manque d’estime de soi (il note sur son calepin)… vous considérez-vous plutôt comme une pomme de terre ou comme une patate ? La pomme de terre : c’est une question que je ne me suis jamais posée. Le psychopatatologue : c’est bien dommage, c’est vraiment dommage (il note que c’est dommage), à l’évidence vous avez un problème d’identité. Avez-vous des objets affectifs stables ? La pomme de terre : je ne suis pas sûre de comprendre mais je vis à proximité d’un doryphore et d’un petit ver blanc. Le psychopatatologue : bien, très bien (il note que c’est bien alors qu’il pense que c’est catastrophique), à l’évidence votre narcissisme a une bien mauvaise assise. La pomme de terre : c’est que l’on m’a plantée de travers. Le psychopatatologue : je vois, je vois (il note qu’il voit alors qu’il n’y a rien à voir), mais pourquoi focaliser votre attention sur une absence ? Nourrissez-vous un attrait particulier pour le vide, le néant, la vacuité ? La pomme de terre : je crains de ne pas comprendre Le psychopatatologue : Voyons réfléchissez. Avoir un nez ou pas, quelle importance quand l’on va finir en purée… La pomme de terre : pardon ? Le psychopatatologue : Ne comprenez-vous donc pas ? Je ne suis pas un psychopatatologue mais un psychopathe à Tolog… je vais te butter pomme de terre !! La pomme de terre : argh !
RIDEAU
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