Portrait surréaliste d'un château réel au lourd passé, et que la municipalité tarde hélas à restaurer.

Des tours en fleurs dans un parc en friche, des fenêtres en sueur dans des murs qui s'effritent, mon château a l'air d'un ogre rachitique.
Cela fait longtemps qu'il a perdu son royaume, sa splendeur et ses spectres. Il règne dorénavant sur des canards tuberculeux, des cygnes de cirque et des paons en ruine.
Mon château prend un bain de pied dans un lac d'acide. Bientôt il sera totalement dissous et les poissons sucrés boiront à sa santé.
Mon château est vide, les damnés se cognent sur des meubles fantômes. Mon château est vide, bientôt il s'écroulera, avalé par l'intérieur.
Mon château a un coeur mais bien trop de sang, il finira par se noyer dans un coucher de soleil.
Et drapé dans les ondulations d'un rideau de théâtre, il poussera son dernier râle, et tombera en fendant les arbres et en fracassant les verrières.
Et mon château s'en ira rejoindre ses habitants, ceux qui lui ont donné son âme en noircissant les leurs, ceux qui ne hantent plus que des pages endormies où l'encre a trop pâli.
Je creuserai le tombeau de mon château dans une lézarde. Je ferai d'un tonneau son cercueil, d'une guirlande de lierre sa couronne et de la lune un cierge.
Et tous les canards en cortège viendront de toutes les mares de la contrée applaudire l'ogre évanoui.
Et les enfants trépigneront sur la dalle mortuaire, l'enfonceront dans l'empire des taupes, le railleront et riront dans leur langue de mioches.
Et tout le monde oubliera mon château, vous, moi et les siècles à venir. Il n'en restera rien, ni poussière, ni souvenir, ni larme. Même les taupes ivres de tragédies à force de grignoter ses murs, finiront par l'oublier et se fracasseront la cervelle contre les fenêtres flasques de mon château de sable.

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