Je ne sais pas combien de temps je mis à reprendre connaissance. La première chose que je vis, c’était ma luciole qui tapotait ma joue, avec sa petite mine anxieuse. Quand elle me vit reprendre connaissance, ses yeux s’agrandirent et elle me serra le bout du nez, soulagée de me voir encore en vie. Tout mon corps me faisait souffrir. J’étais même incapable de me redresser. Je me demandais si je m’étais brisé quelque chose, étonné moi-même de ne pas avoir péri dans cette chute vertigineuse. - Tu m’as fait une sacrée peur ! me reprocha Cléia. - A moi aussi, soufflai-je. Je regardai au dessus de moi et vis de quelle hauteur j’avais chu. Je n’aurais pas dû en réchapper ! - Tu as rebondi sur des rochers, c’est ce qui a ralenti ta course avant que tu ne t’écrases sur le dos sur cette plate forme. - On ne doit pas être très loin de la plaine… - Non, en effet… - Ce qui signifie que la magie des êtres de la forêt ne nous protège que très partiellement. - Est-ce que tu peux t’asseoir ? - Je vais essayer… De toute façon, on ne peut pas rester là. Il faudrait surtout que je puisse marcher… Une fée des bois n’est pas d’un grand secours dans ce genre de situation. Elle était dans l’incapacité de m’aider à me redresser, alors, par un grand effort – et beaucoup de courage ! – je pris appui sur mes mains et me relevai en grimaçant pour m’appuyer contre la paroi de pierre. Je fis jouer mes articulations et palpai mes membres pour m’assurer que je n’avais que des contusions et soupirai de soulagement en constatant que c’était réellement le cas. - Ton visage et tes mains sont abîmés… - Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’intuition que ce ne sera pas la dernière fois… - Il faut te soigner ! - Ah oui ? Et avec quoi, je te prie ? - Petit lutin incrédule ! Je suis une fée des bois ! J’ai des tas de chose intéressantes… - … et minuscules ! - Cesse de m’interrompre ! Des tas de choses utiles dans mon panier et… dans la nacelle que tu m’as fabriquée… si tu ne l’as pas perdue en tombant. Cela va vous paraître bizarre mais non, je ne l’avais pas perdue ! Elle n’était même pas cassée ! Luciole fourragea dans son panier et en sortit des baies rouge sombre dont elle écrasa le jus sur mes plaies. Cela piqua un peu mais après ce que je venais d’endurer, c’ était très supportable. Mes blessures s’arrêtèrent de saigner et ma petite fée appliqua ensuite des cataplasmes de feuilles, ce qui me soulagea grandement. - Voilà, demain, il n’y paraîtra plus. Devant mon air sceptique, elle ajouta : - Tu vas peut-être me dire que tes égratignures n’ont pas cicatrisé très vite dans la forêt ? En effet, elle avait raison, on ne voyais plus que des lignes sombres là où Cléia m’avait soigné dans la clairière aux fées. - Bon… Hum… Merci… Maintenant, il faut se remettre en route. On ne peut pas rester là, je ne me sens pas en sécurité, au milieu de ces blocs en équilibre. - Tu penses pouvoir marcher ? - Que je le pense ou pas, on y va ! Je trouvai près de moi un gros bâton robuste. Je me dis qu’il me faciliterait la marche. Je me redressai, courbaturé et perclus de douleurs et terminai ma descente à tout petits pas. Enfin, je foulai le sable beige clair de la plaine et fixai l’étendue désertique. La route serait longue, sans point de repère, dans l’immensité des montagnes qui cernaient l’horizon. - Allez, Luciole, remettons-nous en route… Et, très lentement, en clopinant, pesant de tout mon poids sur ma canne improvisée, je fis mes premiers pas hors de la forêt où j’étais né.
Veuillez m’excuser de vous abandonner mais je dois aller au marché maintenant. Je vais y vendre mes produits, fabrication maison, cela va de soi ! Ce que je vends ? Oh, un peu de tout, du pain, de la crème… Mais si vous avez le temps, accompagnez-moi, nous ferons un bout de chemin ensemble…
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