Finir brutalement, de manière décevante, sans donner les résultats attendus.
Imaginez un de ces marins au long cours d'autrefois, ballotté par les flots pendant de nombreux mois pour la moindre traversée d'un océan et sans aucune femme à bord. Soudain, alors que la vigie perchée dans la hune (mais pas dans la lune) annonce "Terre à l'horizon !", notre marin aperçoit le torse d'une magnifique créature qui se tient à un rocher et qui chante d'une voix sublime. Poussé par le désir de l'entendre de plus près (et d'autres envies, aussi, peut-être), notre homme plonge à l'eau, nage à grandes brassées vers la beauté et s'en approche suffisamment près pour se rendre compte avec effroi que son corps sans jambes se termine par une superbe nageoire. Notre pauvre marin vient de se faire piéger par une sirène. Mais dans l'affaire, il n'a pas tout perdu, puisqu'il vient aussi de comprendre le pourquoi de notre expression.
Au 1er siècle avant J.C., au début de l'Art poétique, le coriace Horace compare déjà une oeuvre d'art sans unité, donc décevante, à un beau buste de femme qui se terminerait en queue de poisson : "Desinit in piscem mulier formosa superne", ce qui ne veut pas dire "Le dessin de la piscine de Monsieur Mulier a une forme super" mais approximativement "De sorte que le haut soit d'une femme aimable, et le bas représente un poisson effroyable".
Bien plus tard, en 1833, Balzac l'a remise au goût du jour dans "Ferragus, chef des dévorants" : "Quelques rues (de Paris), ainsi que la rue Montmartre, ont une belle tête et finissent en queue de poisson".
C'est de cette comparaison d'une chose décevante à une autre qui ne se termine pas du tout comme on l'espère qu'est née notre fin en queue de poisson.
A ne pas confondre avec "faire une queue de poisson" (lorsque vous êtes au volant d'une voiture et que vous voulez essayer d'envoyer un cycliste dans le décor) qui est une comparaison avec le mouvement ondoyant de l'animal qui nage.
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