Je ne sais combien de temps je restai ainsi. Il était impossible d’avoir une idée claire de l’heure qu’il était car cette forêt était toujours plongée dans la pénombre. Des tas de questions se bousculaient dans ma tête. Où était passée Cléia ? Etait-ce réellement Eléa, sa sœur, ou un simple leurre ? Qui m’avait volé ma boules à rêves ? Et comment sortir de cette forêt ? Je me disais que ce ne pouvait pas être Eléa, qu’il s’agissait d’un autre leurre auquel Cléia s’était laissée prendre au piège. Pour ma boules à rêves, la culpabilité de Baltyr ne faisait aucun doute et il valait mieux pour lui que je ne mette pas la main sur lui ! Quant à comment sortir de cet endroit, je n’en avais aucune idée. Assis sur la terre mouillée, je mangeai un peu du pain dur qu’il me restait. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas mangé et je pensais à ma pauvre Cléia qui n’aurait rien pour son repas. Je sais bien que se lamenter ne servait à rien. Mais je me sentais si impuissant… Je finis par me remettre sur pied. Je repris mon bâton de marche en main et me remis en marche, errant dans un monde de brume et de noirceur. Je tapais le chemin devant moi pour éviter les branchages, et les mauvaises surprises. C’était un cheminement long et fastidieux, décourageant aussi car on n’avait aucune possibilité s’évaluer son avancée. Je dus marcher ainsi des heures et des heures, probablement en tournant en rond par moment. Je finis par m’arrêter et réfléchir, ce que j’aurais dû faire dès le départ. Comment pouvais-je m’orienter ? La mémoire collective… La mémoire collective, j’étais certain de savoir comment faire, il me suffisait de me rappeler… Se repérer en forêt sans boussole… Oh, ma Dame des Bois, aidez-moi à sortir d’ici et à retrouver Cléia ! J’implorais la Dame comme si elle était mon salut mais mon salut résidait en moi-même, j’en étais convaincu ! Quels indices pouvaient… Mais oui ! Des indices ! Si je me souvenais bien, tout comme les terriers des animaux étaient tournés vers le Sud, pour bénéficier de la chaleur du soleil, la mousse et les lichens poussaient sur le côté nord des arbres ! Etant donné l’humidité ambiante, la forêt ne devait pas manquer de mousse ! J’espérais juste qu’elle n’ait pas proliféré partout, ce qui aurait totalement détruit ma chance de sortir d’ici ! La maison de Baba-Yaga se trouvait au nord. Je cherchai à tâtons un arbre et quelle ne fut pas ma joie de découvrir la mousse généreuse qui recouvrait un pan de l’arbre ! Il me suffisait à présent de suivre, d’arbre en arbre, dans l’obscurité, le nord qui me mènerait invariablement dans la direction de la maison de Baba-Yaga. Cela allait me permettre de sortir de la forêt. Ensuite, je n’aurais plus qu’à franchir la rivière des Lobasta ! La joie de trouver un moyen de m’échapper de la forêt m’avait fait oublier un moment les malheurs qui s’étaient abattus sur Cléia et moi. Mais la petite maison de ma fée-jonquille tapait ma jambe à chaque pas et me rappela bien vite son absence. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ! Me repérer était en quelque sorte devenu un jeu d’enfant ! J’allais d’arbre en arbre, posant ma main sur chaque tronc et corrigeant sensiblement ma trajectoire à chaque pas. De toute évidence, il fallait que j’aille jusqu’à la maison de Baba-Yaga pour savoir comment retrouver la fée des bois et bien que je commence à être épuisé par cette effroyable journée, par le chagrin, par la trahison de Baltyr aussi, je me promis de ne pas m’arrêter tant que je n’aurais pas au dessus de ma tête le ciel. Je continuai donc ma route sans faillir, développant une agilité croissante me permettant d’anticiper les ornières et les racines dénudées. Alors que j’espérais prochainement voir la fin de cette forêt, des gémissements se firent entendre sur ma droite. Quelqu’un semblait avoir de la peine, ou avoir mal, il me faudrait peut-être me détourner de ma route et… Non, non, non ! Ce devait encore être un leurre ! Pas question de dévier d’un pouce ! Qui sait ce qui pouvait bien m’attendre ? Des gémissements déchirants pour m’appeler et puis, un dragon ou une gorgone à l’arrivée ! Pas question, j’avais déjà assez donné dans les bêtes malfaisantes ! Je décidai donc de continuer ma route comme si de rien n’était.
Brrr. Il recommence à faire froid... Approchez-vous un peu de l'âtre, je vais vous offrir un peu de bouillon.
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