Les fêtes calendales (de Noël) en Provence commencent réellement à la Sainte-Barbe, le 4 décembre. C'est le moment de commencer la crèche. On met ce jour là des grains de blé (ou des lentilles) à germer dans trois soucoupes sur du coton imbibé d'eau. Le blé qui germe jusqu'au 25 décembre sera le signe prémonitoire d'une année à venir faite de bonnes récoltes et de bonheur. Les pointes germées seront coupées le 24 et déposées en offrande au pied de l'enfant Jésus On dit en Provence: "Quand lou Blad vèn bèn, tout vèn bèn".
Le "Cacho Fio", ou embrasement de la bûche de Noël Le soir de Noël, alors que la table est dressée, la tradition veut que l'on choisisse une belle bûche (de chêne ou d'arbre fruitier) que le plus ancien de la maison, "le papet" aidé du "caganis" (le benjamin de la famille), porte en faisant trois fois le tour de la maison. Puis la bûche posée dans l'âtre et bénie à trois reprises de vin cuit est apprêtée afin qu'elle se consume jusqu'au nouvel an. Cacho-fiò signifie "mettre le feu" en provençal. Il est coutume en Provence de prononcer les phrases suivantes :
Alegre, alegre, Diéu nous alegre Cacho fio ven, tout ven ben Fague la gràci de vèire l'an que vèn, Et se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens ! Allégresse, allégresse, Dieu nous donne l'allégresse ; Cacho fio vient, tout vient bien Que se fasse la grâce de voir l'an qui vient, Et si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins. La bûche brûlera pendant trois jour et l'on gardera les restes pour les rallumer par temps d'orage pour protéger la maison de la foudre.
Le "Gros Souper" En attentant la messe de minuit, on prend le Gros Souper. Il doit être composé de sept plats maigres (essentiellement des légumes), en souvenir des sept douleurs de la Vierge. La table est dressée sur 3 nappes blanches, qui rappellent la Sainte Trinité, et éclairée d'un chandelier de 3 bougies représentant Jésus, Marie et Joseph. On y dépose un couvert supplémentaire pour le pauvre, et le blé de la St Barbe trône au milieu des plats, dans les trois soucoupes symbolisant la fécondité, la fertilité et la fraternité, lié de rubans rouges et jaunes aux couleurs de la Provence
Le menu traditionnel est le suivant : Soupe aux Choux. Céleri à l'anchoïade (la Bagna-Caudo). ou salade de truffes et céleri Escargots. l'Aïgo Boulido (soupe à l'eau bouillie; ail, sauge, huile d'olive et pain). Gratin de morue aux épinards. Cardons à la sauce aux truffes ou en béchamel. Fromages.
Les 13 desserts Le réveillon de Noël, en Provence, ne pourrait pas se concevoir sans les 13 desserts traditionnels. Ils évoquent Jésus et ses 12 apôtres lors de la Cène. Chacun en Provence a sa liste des 13 desserts et toutes divergent sensiblement d'une ville à l'autre. Pour mettre tout le monde d'accord sur Aix en Provence, l'association Fouque, l'escolo Felibrenco Li venturié, les pâtissiers de la Coupo Santo, l'Union des calissonniers d'Aix ont même déposé en 1998 une liste "Officielle". Si le nombre est impératif, le choix des desserts est assez libre dans la liste qui suit (et qui reste d'ailleurs ouverte) ; certains d’entre eux porteurs de symboles et ancrés dans la tradition.
Il y a tout d'abord les quatre mendiants (fruits secs) qui représentent, par leurs couleurs, les habits des moines appartenant aux ordres religieux "mendiants" :
- les Figues sèches, pour les Franciscains - les Amandes, pour les Carmélites - les Noix ou Noisettes, pour les Augustins - les Raisins secs, pour les Dominicains
Viennent ensuite les fruits, confits ou frais, spécialement conservés pour Noël :
- les Pommes, - les Poires, - les arbouses, ou les sorbes, ou encore les dattes - le Melon de Noël (Verdau), pour la fraîcheur de l'esprit. - le Raisin blanc (servant), pour la vitalité. - les Mandarines ou les oranges, pour la réussite des vœux émis dans le silence du cœur.
Enfin, les confiseries et pâtisseries
- les Nougats noirs et blancs pour l'humeur des jours. - la Pâte de Coings, pour une année de richesses - le "Gibassié" ou pompe à l'huile d'olive, appelée fougasse à Arles (galette de farine cuite avec de l'huile d'olive et de la fleur d'oranger), gage de réussite. Selon la tradition, il faut rompre la pompe à huile comme le Christ a rompu le pain et ne pas la couper pour ne pas se retrouver ruiné l'année suivante. - les Cédrats confits - les Nougats blancs & nougats noirs - les Calissons ou les biscotins d'Aix
Lorsque vous aurez dégusté, tour à tour, 12 desserts, vous pourrez, avec la première mandarine, faire votre vœu secret qui sera vraisemblablement exaucé dans l'année. Les treize desserts sont tous présents sur une même table et sont accompagnés par du vin cuit. Ils concluent le gros souper, en attendant de se rendre à la messe de minuit. La coutume veut qu'à la fin du repas , l'on replis les quatres coins des nappes pour éviter que le diable grimpe sur la table pour finir les restes des 13 desserts que l'on laisse pour les anges!
La messe de minuit C'est Sixte III qui instaura au Ve siècle le rite de la messe minuit. Personnage biblique, le berger est l'une des figures essentielles de la culture provençale d'influence chrétienne. On le retrouve donc lors de la cérémonie du pastrage, avec quelques variantes.
Le jour de Noël, l'une des nappes est retirée pour orner la table du déjeuner. On place parfois un santon auprès de chaque convive, pour représenter son métier ou son expression. La seconde nappe est retirée le 26 décembre. Les trois soucoupes de blé qui ornaient la table calendale sont alors placées dans la crèche pour représenter les champs de blé, symbole de l'espérance.
Nombre de villages perpétuent la tradition des crèches vivantes pour mettre en scène la Nativité. La messe de minuit débute avec lou Pastrage : tandis que le prêtre dépose le Divin Enfant sur la paille, les cloches appellent le cortège des bergers. Guidés par les anges et les tambourinaires, ces derniers apportent dans leur charrette illuminée un agneau qu'ils offrent à Jésus. Fifres et tambourins entonnent alors les airs de Noël, vieux chants provençaux repris en chœur par les fidèles.
De l'an nòu à la Chandeleur. Dès le lendemain de Noël commencent les Pastorales, qui illustrent le chemin parcouru par Joseph cherchant un toit pour la nuit. Après l'an nòu (le Nouvel An), que chacun passe en famille le 31 décembre, vient les fête des Rois Mages, le 6 Janvier. Les trois rois mages sont alors ajoutés à la crèche le 6 janvier, jour de l'Epiphanie. Porteurs de l'or, la myrrhe et l'encens, ils représentent les trois continents connus à l'époque du Christ : l'Europe, l'Asie et l'Afrique.
L'épiphanie marque également le début de la visite des crèches. On mange à cette occasion le "gâteau des Rois", une couronne de brioche décorée de fruit confits cachant une fève grillée, que l'on accompagne de vin cuit. Le 2 février, soit 40 jours après la naissance de Jésus, la Chandeleur ou fête des chandelles, célèbre la purification de la Vierge et sa visite au Temple.
Au programme, procession de cierges verts, bénédictions du feu et, à Marseille, dégustation de navettes, ces biscuits dont la forme de barque évoque l'arrive des saintes Maries en Provence. Enfin, en ce jour de liesse qui clôt la période calendale, on démonte toutes les crèches... jusqu'à l'année suivante.
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