Louis le Débonnaire se réveille ce matin-là fort inquiet dans sa bonne ville de Paris, assiégée par vingt mille Sarrasins. Vingt mille Sarrasins constituent une armée redoutable, mais leur chef, le géant Isauré, est à lui seul plus redoutable que toute son armée. Il n’est pas un chevalier qui ose se mesurer avec lui, car tous ceux qui l’ont tenté dorment leur dernier sommeil sous leur heaume écrasé.
L’arme favorite du géant est une massue d’acier garnie de pointes qu’aucun autre homme ne peut même soulever de terre et qu’il manie, lui, avec l’aisance d’un enfant qui joue avec un hochet d’ivoire.
Isauré arrête de son épaule un cheval au galop ; il soulève d’une main un guerrier armé de pied en cap.
Or, Isauré est venu jusqu’à Paris avec son armée, non par soif de conquête, mais pour venger son ami Sinagos, tué devant Palerme par un soldat de Louis. Le géant n’en est que plus redoutable.
En mettant le siège devant Paris, il a déclaré, par la voix d’un héraut d’armes, qu’il était prêt à se mesurer en combat singulier avec tel des chevaliers à qui il plairait de le provoquer ; qu’au cas où il serait vainqueur les assistants seraient passés au fil de l’épée, dans la proportion de un sur dix, laissant au sort le, soin de désigner les victimes, mais que si, dans un mois, aucun adversaire ne s’est présenté, il détruira la ville de fond en comble.
Or, le délai expire dans deux jours, et c’est pourquoi le Roi Louis est dans une si mortelle inquiétude.
- N’a-t-on pas de nouvelles de mon féal Guillaume de Bourgogne ? Demande-t-il pour la centième fois à ses barons. Mais personne n’a entendu parler de Guillaume, et pourtant lui seul pourrait donner au Roi un conseil, lui seul oserait, au besoin, s’attaquer à Isauré. Ne lui a-t-on pas dépêché, dès l’investissement de Paris, un messager qui n’est autre qu’Auséis, le plus cher compagnon du Roi ? Celui-ci n’est pas revenu de sa mission. A-t-il pu l’accomplir ? N’a-t-il pas succombé sur la route de Bourgogne où se trouve Guillaume ?
Pendant que son souverain vit dans cette inquiétude, Guillaume, ayant appris le péril, s’est mis en marche vers Paris. Il n’est accompagné que d’un seul écuyer, son brave Bernhardt.
- Je suis curieux, dit Guillaume à Bernhardt, de voir de près ce géant. S’il est ce que l’on dit, il y a un beau combat en perspective.
Déjà on approche de la ville. Déjà on aperçoit les tentes des Sarrasins réunis au camp de Montsouris. C’est là que se tient Isauré. Son étendard flotte au vent. Guillaume et Bernhardt font halte. Il faut que les chevaux se reposent et se nourrissent d’un peu d’herbe fraîche, aussi bien n’a-t-on pas autre chose à leur donner. Mais si les chevaux mangent, les hommes, eux, ont grand’faim, et on ne voit pas une maison habitée aux alentours.
Tout le monde a fui devant les Infidèles. - Il n’est pas bon, dit Guillaume, d’aborder un ennemi aussi redoutable quand on a le ventre vide. Bernhardt est navré ; comment sustenter son maître, dont il connaît le formidable appétit ?
Et voici que justement une colombe qui roucoulait derrière un buisson prend son vol et passe au-dessus des guerriers. Bernhardt connaît son adresse. Il n’hésite pas un instant, prend son arc, y ajuste une flèche et va pouvoir offrir à Guillaume le repas qu’il réclame. (a suivre...) http://www.histoire-en-ligne.com
par Ch. Quinel et A. de Montgon Publié le 7 juin 2003 - Modifié le 18 septembre 2006
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