Les jours s’étaient écoulés bien vite depuis ma conversation avec Baba Yaga. Après un long moment de désespoir, puis de soumission à la fatalité de ma situation, c’était une rage sourde qui s’était emparée de moi. Il n’était pas digne d’une fée des bois de se laisser abattre et d’attendre sagement l’heure où la sorcière me ferait bouillir dans sa marmite. Je cherchai un moyen de m’évader. A première vue, c’était un constat décourageant. La cage avait des barreaux de métal très serrés et le fond était tout en bois. Je m’étais mise en devoir d’amadouer le gnome qui s’occupait de moi quand la sorcière n’était pas là. Je me fis caressante, parlant doucement des mots que le gnome ne devait pas comprendre, lui souriant et lui adressant des regards de velours. Mais mes efforts furent vains. Le gnome ne semblait pas me voir, et disparaissait bien vite dès que nourriture et boisson m’avaient été renouvelées. Il n’y avait donc pas de brèche possible de ce côté-là. J’entrepris alors d’inspecter ma cage avec minutie. Dès que je me retrouvais seule, je sondais le fond de la cage pouce par pouce, méthodiquement, en tapotant la surface du bois, espérant entendre un son différent des autres. Toc – toc – toc. Mes premières heures de prospection ne donnèrent rien. Je ne me décourageai pas cependant et persistai dans mon entreprise. Toc – toc – bom. Bom ? Je cognai à nouveau le bois : toc – toc – bom. Mon cœur s’emballa. J’avais peut-être trouvé un moyen de sortir de ma prison ! Je me mis à gratter avec exaltation le fond souillé de la cage, ne rechignant pas à la tâche, malgré mes doigts blessés par le geste répétitif. Cela me prit un temps considérable avant d’avoir ôté assez de la croûte de crasse pour discerner quoi que ce soit. Je balayai d’un revers de main les débris et suivis d’un doigt l’échancrure qui s’était dessinée formant un rond presque parfait. C’était un nœud dans le bois, un nœud bien serti qui ne me laissait aucun espoir de le déloger comme un simple bouchon. Mais pour l’heure, c’était le seul moyen de m’évader que j’avais trouvé et je m’accrochai à cet espoir. La porte grinça et le gnome fit son entrée. Je n’eus que le temps de rabattre un peu de sable sur mes fouilles et de voler vite m’asseoir sur la balancelle. Que faisais-tu, espèce de sauterelle ? Ainsi donc, le gnome parlait ma langue… Rien de mal, répondis-je avec une moue enjôleuse. Hum, fit-il méfiant, tu as intérêt à te tenir tranquille car Baba Yaga n’a pas laissé une fée à la garde d’un corbeau déplumé et d’un vieux gnome. Ponctuant sa mise en garde d’un rire sarcastique et amer, il quitta la pièce en claquant la porte. La vieille sorcière avait donc paré à mon éventuelle évasion… J’observai à nouveau la salle mais rien ne me parut suspect. Quant au corbeau, il préférait chasser dehors plutôt que surveiller une proie intouchable logée dans une cage. Après tout, peut-être que le gnome avait dit cela pour m’ôter toute envie de m’enfuir. Rassurée par mes réflexions, je me mis à genoux au fond de la cage et m’échinai à creuser l’interstice entre le bois et le nœud de mes mains. Bien évidemment, ce ne fut pas très concluant. Je finis par trouver dans le sable, une des attaches en métal qui solidarisait les barreaux de la cage deux par deux. Je m’en servis comme d’un outil et grattai la fente jusqu’à ce qu’elle soit profondément marquée. Puis j’essayai de tirer le nœud. Il ne vint pas. Je me dis qu’il s’extirperait peut-être mieux dans l’autre sens et lui donnai de grands coups de pied. Mais le bouchon ne bougea pas d’un pouce. Je passai le reste de la journée à essayer de creuser le tour du nœud mais c’était bien trop difficile et le petit bout de métal dont je me servais finit par se casser en deux morceaux inutilisables.
A priori, il fallait que je trouve un autre moyen de sortir de là. Je jetai un œil à la fenêtre pour observer la lune… Par Svarog, les jours s’écoulaient trop vite et la lune grossissait de nuit en nuit…
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