Il reste qu'en dépit des moyens limités des médias du XVIIe siècle, les échos du scandale firent donc leur chemin jusqu'à Paris. Et Mazarin se fâcha. En vain ! Nobles dames et damoiselles refusèrent de se laisser transférer ailleurs qu'en cette aimable résidence. Et le Conseil communal de Brignoles se rangea à leurs côtés. Le 24 août 1659, il prit une délibération selon quoi "le Conseil s'opposerait par tous les moyens à la transférance des religieuses." A la fin, Louis XIV trancha. On ferma le couvent. Sur les vingt-quatre nonnes de luxe qui vivaient là, trois seulement acceptèrent d'être transférées à Aix, dans un monastère. Les autres prirent leur envol. Certes, on ne va pas trop se lamenter sur le sort de ses gaies et nobles filles. Toutefois, il est un scandale, moins croustillant, dont on ne parle guère bien qu'il fût à l'origine du premier. Pourquoi avait-on "cloîtré" ces damoiselles derrière des murs épais ? Pourquoi avait-on fait prendre le voile à ces oiselles qui n'avaient aucun penchant pour la vocation religieuse ? On dira que quelques unes avaient "fauté". La vérité toute bête, est que le gros du bataillon était la victime de la "condition féminine" d'alors et des lois de l'héritage. Pour conserver à la lignée ses châteaux, terres, revenus et titres, il n'était pas question de diviser le patrimoine entre tous les enfants. Le fils aîné, gardien du nom et du titre, gardait aussi tout "le reste". Les cadets s'en allaient à l'aventure, des armes en général, à la façon des mousquetaires de Gascogne. Quant aux filles, si on ne leur trouvait pas un mari de leur rang, il leur restait quoi ? Le couvent ! Alors, mon dieu, on devait bien quelques compensations à ces sacrifiées. L'abstinence a ses limites... D'où un regard laxiste sur leur façon d'interpréter la Règle. D'où les subsides qui finançaient en l'abbaye les fêtes profanes et libertines. Qui faut-il condamner ? Les nonnes frustrées de La celle ou bien les moeurs qui les vouaient à l'exclusion ?
Source : Ca s'est passé à Toulon & en pays varois - Jean Rambaud - 1995.
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