"A l'extrémité de la salle on avait aménagé un théâtre pour représenter une pantomime ; les aventures de Jason. Le rideau fut tiré. Jason apparut, partant pour la conquête de la Toison d'or. Des boeufs, qui jetaient feu et flammes par les narines, fondirent sur lui. Grâce à la liqueur enchantée que Médée lui avait remise, il les dompta. Jason fut ensuite attaqué par un serpent épouvantable qui jetait du feu, des flammes et des venins très puants ; vainqueur, le héros coupa la tête du monstre et lui arracha les dents qu'il mit dans sa gibecière. Puis il laboura avec les boeufs qu'il avait domptés, et sema les dents du serpent ; alors, on vit sortir de terre des hommes armés qui se ruèrent les uns sur les autres. Quant ils furent tous occis, le rideau fut tiré. "Le dernier intermède était destiné à rappeler aux convives l'objet de la réunion : secourir les chrétiens d'Orient contre les Turcs qui venaient de s'emparer de Constantinople le 29 mai 1453. A un signal donné, entra un géant vêtu à la manière des Sarrasins de Grenade, conduisant un éléphant caparaçonné d'étoffes de soie. L'éléphant portait sur son dos un écuyer du prince (le chroniqueur Olivier de la Marche) costumé en dame avec des vêtements de deuil. Le géant s'arrêta devant Philippe le Bon, et la dame, qui était Sainte-Eglise, récita une complainte en vers, demandant la protection du prince et des seigneurs contre les infidèles. "Toison d'Or, héraut d'armes, entra alors. Il portait un faisan vivant, orné d'un riche collier d'or, garni de pierreries et de perles. Le héraut fit au prince une harangue où il disait qu'aux grans festes et nobles assemblées, on présente aux princes, aux seigneurs et aux nobles hommes le paon ou quel aultre oyseau noble, pour fair veuz utiles et valaibles". "Philippe le Bon remit à Toison d'Or un bref contenant le voeu qu'il faisait de secourir la chrétienté, et le héraut en fit lecture à haute voix. Sainte-Eglise remercia alors le duc, et tous les chevaliers jurèrent d'aller combattre le Grand Turc.Après le repas, les tables furent enlevées et une dame se présenta, accompagnée de gens portants des torches. C'était Grâce-Dieu, suivi de douze chevaliers menant chacun leur dame par la main. Grâce-Dieu harangua le duc et lui présenta ses compagnes : Foi, Charité, Justice, Raison, Prudence, Tempérance, Force, Vérité, Largesse, Diligence, Espérance, Vaillance ; chacune d'elles dit quelques mots à Philippe le Bon. Puis Grâce-Dieu se retira et la danse à la torche commença ; elle prit fin entre deux et trois heures du matin". Ces fêtes de Lille sont restées célèbres ; jamais on n'avait vu de si "mirable" chose ; la dépense avait été énorme, et cela n'eut aucun résultat politique.
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