Je souris à ma fée-jonquille dont les yeux brillaient un peu trop, sans mot dire, car je n’aurais su quoi ajouter. A présent, je savais vers quoi j’allais. Je savais aussi pour quelle raison la Dame des Bois m’avait fait naître. Je pensais que j’allais avoir un rôle essentiel à jouer dans cette histoire, je pensais aussi que nous faisions sans doute nous aussi partie de ces fameux Eclaireurs dont Cléia venait de parler. Pendant toute l’histoire de Cléia, nous avions marché d’un pas vif. La nuit était presque tombée et il avait recommencé à neiger. Baltyr, silencieux, baissait la tête depuis que Cléia avait cessé de parler. Il semblait affecté par tout ce qu’il venait d’entendre et je me dis alors que peut-être, je m’étais trompé sur son compte. Il n’avait peut-être pas si mauvais fond que je le pensais après tout… Nous arrivâmes à l’arbre aux corbeaux alors que la nuit noire nous entourait. Baltyr nous fit savoir que nous pouvions dormir sous l’arbre à condition de nous remettre en route avant le lever du jour. Il nous expliqua que si les corbeaux nous surprenaient dans notre sommeil trop près de leur logis, ils se jetteraient sur nous en essayant de nous crever les yeux ! Ce n’était pas rassurant… D’un autre côté, pour la première fois, j’étais bien content que Baltyr soit des nôtres. Ce dernier s’occupa d’allumer un feu, loin de l’arbre pour ne pas importuner les oiseaux. Je sortis de ma besace quelques vivres et nous nous restaurâmes. Puis, la fatigue nous gagnant, nous nous couchâmes en nous promettant de nous réveiller aux premières lueurs. Comme d’habitude, j’avais posé la maisonnette de Cléia à côté de moi et je la voyais brosser ses cheveux dorés à travers la fenêtre. - Cléia ? chuchotai-je. Cléia posa sa brosse et vint s’accouder à sa fenêtre. On va la retrouver. Cela prendra le temps qu’il faut mais on ne rentrera pas sans elle. - Tu es gentil, Lullaby. Je suis contente de t’avoir rencontré… Elle m’envoya un baiser puis ferma les volets de sa petite maison. Alors que j’étais en train de m’endormir, je crus voir une lueur rougeâtre dans les yeux de Baltyr qui nous observait du coin du feu. Je n’y prêtai pas attention et sombrai dans un sommeil lourd et sans rêve. J’ouvris les yeux dans l’obscurité totale. Je jetai un regard à mes compagnons de voyage. Luciole était dans sa petite maison, Baltyr, roulé en boule tout près du feu, dormait à poings fermés. Précautionneusement, sans bruit, je glissai ma main dans ma besace et en sortis ma boule à rêves. Je l’agitai vivement et regardai à travers le verre brumeux. Je ne savais pas si mon objet avait la capacité de lire dans le cœur des êtres, mais je pensais très fort à Baltyr en m’interrogeant bien entendu sur sa valeur. Pendant un long moment, rien ne se produisit. La boule scintillait doucement. Puis je vis une pièce sombre, on aurait dit un cachot, et dans un coin, quelque chose qui frissonnait. Je plissai les yeux et mon cœur cogna encore plus fort dans ma poitrine : c’ était Baltyr, enfin… un Baltyr affaibli, tremblant, recroquevillé sur lui-même et se balançant d’avant en arrière. Ses yeux n’avaient pas la même lueur hostile que j’avais pu voir dans les yeux du Baltyr qui dormait à mes côtés. Est-ce que cela signifiait qu’il allait être fait prisonnier ? Je ne comprenais pas le message de la Dame des Bois et encore moins le rapport avec ma question. Est ce que Baltyr était bon ou malfaisant ? L’image dans la boule se brouilla puis disparut. Je vérifiai si Baltyr ne m’avait pas épié mais il dormait toujours en me tournant le dos. Je rangeai ma boule magique et, en proie à une multitude de questions, j’eus bien du mal à retrouver le sommeil.
Par Svarog, que j’ai parlé longtemps ! Mais il fallait m’interrompre ! Je suis un incorrigible bavard, surtout lorsque j’évoque mes souvenirs ! Et la clôture qui a besoin d’un petit coup de pinceau… Ah la la ? Tu te proposes pour m’aider ? Oh, mais volontiers, tiens, voilà un pinceau ! Je te rejoins avec la peinture !
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