Une linotte avait un fils Qu’elle adorait, selon l’usage, C’était l’unique fruit du plus doux mariage, Et le plus beau linot qui fût dans le pays. Sa mère en était folle, et tous les témoignages Que peuvent inventer la tendresse et l’amour Étaient pour cet enfant épuisés chaque jour. Notre jeune linot, fier de ces avantages, Se croyait un phénix, prenait l’air suffisant, Tranchait du petit important Avec les oiseaux de son âge, Persiflait la mésange ou bien ie roitelet, Donnait à chacun son paquet, Et se faisait haïr de tout le voisinage. Sa mère lui disait : Mon cher fils, sois plus sage, Plus modeste surtout. Hélas ! je conçois bien Les dons, les qualités qui furent ton partage : Mais feignons de n’en savoir rien, Pour qu’on les aime davantage. A tout cela notre linot Répondait par quelque bon mot. La mère en gémissait dans le fond de son âme. Un vieux merle, ami de la dame, Lui dit :Laissez aller votre fils au grand bois, Je vous réponds qu’avant un mois Il sera sans défauts. Vous jugez des alarmes De la mère, qui pleure et frémit du danger. Mais le jeune linot brûlait de voyager : Il partit donc malgré ses larmes. A peine est-il dans la forêt, Que notre petit personnage Du pivert entend le ramage, Et se moque de son fausset. Le pivert, qui prit mal cette plaisanterie, Vient à bons coups de bec plumer le persifleur. Et, deux jours après, une pie, Le dégoûte à jamais du métier de railleur. Il lui restait encor la vanité secrète De se croire excellent chanteur Le rossignol et la fauvette Le guérirent de son erreur. Bref, il retourna chez sa mère Doux, poli, modeste et charmant. Ainsi l’adversité fit, dans un seul moment, Ce que tant de leçons n’avaient jamais pu faire. Jean-Pierre Clarisse de Florian http://www.histoire-en-ligne.com
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