Il existe plusieurs légendes du Hollandais Volant.
La première relate le voyage du capitaine Vanderdeken en Australie au cours de l'année 1665. Son équipage et lui étaient parti de Londres depuis un mois et longeait les côtes de l'Afrique. Le capitaine, un homme borné et intransigeant refusait de faire relâche dans un port pour que son équipage puissent se reposer et refaire des vivres. Il fallait à tout prix rattrapper le retard du navire. Mais arrivé la hauteur du Cap de Bonne Espérance, la patience du capitaine s'était épuisé, et dans un accès de colère, il défia Dieu et le diable pour un peu de vent. Aussitôt, un belle brise se leva et son navire commença à glisser sur les flots. Puis le vent forcit et la tempête éclata. Une tempête comme le cap de Bonne Espérance n'en avait jamais connu et n'en connut plus depuis. Des vagues gigantesques, un vent à déchirer les voiles et à abattre les mâts, pire que les 60èmes rugissants : 'la mère de toutes les tempêtes'. Un spectre apparu alors au capitaine et lui demanda de se repentir. Mais le capitaine prit son pistolet et fit feu. Depuis le Hollandais Volant erre sur les mers, dirigé par le fantôme du capitaine... Différentes versions de cette légende existent, mais ce qui effraye le plus, c'est sans doute les témoignages de marins dont le navire croisa le Hollandais Volant et ses voiles rouges.
La deuxième légende se situe vers 1650. A Amsterdam vivait Barent Fokke un capitaine réputée pour ses colères, son mauvais caractère et surtout pour son bateau, le plus rapide du pays, capable de rallier Batavia à Amsterdam en à peine trois mois. La rumeur voulait que Fokke ait passé un pacte avec le diable afin que son navire soit le plus rapide d’entre tous les bateaux. Un jour, il disparut corps et biens. La légende naissait : comme il était maudit, il était condamné à errer éternellement sur les océans.
Les témoignages sont enregistrés depuis le 17ème siècle.
Mais voici les plus célèbres. En 1881, le futur roi d'Angleterre, George V, alors Duc d'York fut le témoin d'une de ses apparition le longs des côtes australiennes. Alors qu’il prenait le frais sur le pont, il aperçut un halo rougeâtre dans la nuit noire et opaque. Un immense vaisseau apparut et passa devant le bateau, sans aucun bruit… Le lendemain, un des marins de quart cette nuit là, tombait d’un mât et se tuait. Quelques jours plus tard ce fut le tour de l’amiral qui commandait cette flotte. Certains pensèrent à une malédiction provenant du « Hollandais Volant ».
Le journal de bord de « La Bacchante » relate les faits : « quatre heures du matin , un brick passa sur notre avant, à environ trois cents mètres, le cap vers nous. Une étrange lumière rouge éclairait le mât, le pont et les voiles. L'homme de bossoir le signala sur l'avant, ainsi que le lieutenant de quart. Un élève officier fut envoyé dans la vigie, Mais il ne vit cette fois aucune trace, aucune signe d'un navire réel. seize personnes ont été témoins de l'apparition. La nuit était claire et la mer calme. Le Tourmaline et le Cléopâtre qui naviguaient par tribord avant nous demandèrent par signaux si nous avions vu l'étrange lumière rouge ».
En 1939, il est apperçu depuis les côtes d'Afrique du Sud filant sur les flots, toutes voiles dehors alors qu'il n'y avait aucun vent puis il disparaît brutaleme. On le verra egalement en pleine mer en 1942.
En 1882, Henri Gaidoz déclare que toutes ces légendes se ramènent à trois types fondamentaux : 1- Le vaisseau fantastique, né d'une illusion d'optique, entretenu et développé par l'imagination populaire, surtout celle des marins; 2- Le vaisseau-fantôme, dont l'apparition annonce qu'un navire réel s'est perdu corps et biens; 3- Le vaisseau-des-morts qui se rattache à une des plus vieilles croyances européennes sur les voyages qu'il faut faire pour se rendre au pays des morts, par delà le fleuve Océan.
Cinq ans plus tard, en 1887, l'annuaire des traditions populaires de France publie la même liste mais un peu plus détaillée. Il présente les vaisseaux énormes comme le Grand-Chasse-Foudre et la Patte-Luzerne; les vaisseaux-paradis où le matelot a tout à souhait et leur contraire, les vaisseaux-enfers comme le Voltigeur Hollandais et le Navire-Errant; les vaisseaux qui transportent les morts, comme le BagNoz breton; les vaisseaux chargés de revenants; ceux qui ne peuvent accoster ou toucher au port; les navires follets qui attirent d'autres vaisseaux pour les perdre; le navire de la fin du monde, comme le Naglefer, construit avec les ongles des noyés.
Aux États-Unis, Ralph de S. Childs publiait, en 1949, un article sur les 15 bateaux-fantômes qui apparaissent le long de la côte du Nord-est américain. Ce sont les revenants des bateaux perdus en mer ou qui, pour une raison quelconque, sont condamnés à naviguer pour toujours sans faire escale. Il les divise en quatre catégories selon le motif de leur apparition : ceux qui ne font qu'apparaître; ceux qui sont de mauvais augure; et ceux qui apparaissent à date fixe ou qui sont associés au crime et au châtiment.
Dans un article daté de 1958, Edward Ives de l'Université du Maine à Orono, fait une analyse assez minutieuse des vaisseaux-fantômes du détroit de Northumberland, détroit qui se trouve entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sont les débris d'un bateau de plaisance qui a brûlé quand des marins ivres ont renversé une lampe allumée dans la cabine du capitaine ou ceux d'un navire d'immigrants au Québec frappé par la foudre et qui a brûlé dans le détroit. Près de l'Île de Shippagan au Nouveau-Brunswick, c'est celui du capitaine Craig qui a fait naufrage non loin de là. Dans les cas énumérés ici, le fait réel qui est à la base de la légende est plutôt physique quant à son origine et il semble que ce fait soit assez récent. Cependant, si on en croit les chercheurs, l'origine de ce fait serait encore plus ancienne.
En effet, Jehan Mousnier, folkloriste français, déclare que la légende du vaisseau-fantôme serait issue de la tradition phénicoscandinave de la mer des Ténèbres ou mer Ténébreuse, tradition qui engendra le Davy Jones Locker. Elle serait aussi liée aux légendes des Maelströms, thème repris par la littérature et revenu ensuite à bord.
Cet exemple de réversibilité s'ajoute à l'aspect caractéristique de certaines traditions orales qui idéalisent des faits divers pour les porter à la connaissance par transmission orale. Il est bien évident que, parmi ces faits divers, ceux de l'existence de Dérelicts, vaisseaux abandonnés, seraient indéniables
Cette légende peut aussi se raccrocher à celles qui seraient issues des phénomènes météorologiques auxquels sont liés, dans l'imagination populaire, des influences bénéfiques ou maléfiques. On sait que le bateau-fantôme de Caraquet au Nouveau-Brunswick s'appelle aussi le feu-du-mauvais-temps. Les autres feux mystérieux, feux follets, feu St-Elme, mer en feu ou phosphorescence entrent dans cette catégorie des légendes connexes.
À la suite de recherches au Canada, et dans la littérature européenne et américaine en même temps que canadienne, on découvre que la légende du vaisseau-fantôme est universelle dans l'espace et dans le temps. Presque tous les pays du monde ont leurs bateaux-fantômes et depuis un temps immémorial, cette légende se transmet par tradition orale surtout.
Une incursion dans les anciennes mythologies nous rapprochera sans doute de l'origine de ce phénomène. Ces récits antiques nous révèlent l'existence de vaisseaux mystérieux soit sur mer ou dans les airs ou encore au firmament. Chez les Grecs, la constellation Argo serait la nef dans laquelle Jason et ses compagnons sont allés à la recherche de la Toison d'or en Colchide. Elle a été placée dans le ciel par Athéna ou Poséidon afin de servir de guide à ceux qui traversent les mers du Sud.
Une autre tradition identifie cette constellation au premier navire qui a été construit et celui dans lequel les Danaïdes ont navigué d'Égypte à Rhodes. En Égypte, c'est l'arche dans laquelle Iris et Osiris ont échappé au déluge. Les Romains n'avaient retenu que le nom Argo; les Arabes, eux, l'appellent Al Sufina, c'est-à-dire le navire. Pour les astronomes bibliques, c'est l'arche de Noé et c'est Agastaya pour les Hindous.
La mythologie slave a son vaisseau qui vole apparenté à la Toison d'or, Jason, les travaux d'Hercule, les Argonautes d'Apollonius de Rhodes, avec une allusion au bélier volant de Phrixos. On dit que les ancêtres des Grecs venaient de la Russie.
Le Skidbladner est le vaisseau gigantesque de la mythologie scandinave. Construit par des nains, toutes les ases (divinités de la guerre) peuvent s'y loger. Démonté et plié, on peut le mettre facilement dans sa poche. Selon les auteurs, il appartient au dieu Odin ou à Frey.
Les prophéties irlandaises du Moyen-Âge parlent du Roth ramhach qui va également sur terre et sur mer et qui serait le navire de la fin du monde. Tout comme celui de la mythologie germanique qui amènera de l'occident le géant Hrym, l'un des quatre à se rendre assister au Crépuscule des Dieux.
Ces diverses légendes du vaisseau-fantôme dans l'Antiquité se retrouvent surtout dans la littérature écrite.
4- Pour les chercheurs des disciplines autres que celle du folklore, cette légende fournit une matière inépuisable et captivante aux études comparées en psychologie, histoire, sociologie, anthropologie, ethnographie, littérature, musique, cinéma, arts plastiques, etc.
À titre de conclusion, je vous livre la plus récente version qui a été recueillie d'une jeune fille de douze ans, Darlene Gallant de Saint-Arthur dans le Restigouche au Nouveau-Brunswick : « Des pêcheurs, qui avaient aperçu une goélette fantôme dans la Baie des Chaleurs, sont montés dans deux bateaux et ont navigué de façon à cerner le phénomène de chaque côté. Ils avançaient sur la goélette en feu qu'ils voyaient très bien quand, tout à coup, ils se sont frappés l'un l'autre. Ils avaient passé à travers le bateau-fantôme!
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