Le quatrième jour, pourtant, lorsque je me réveillai, je constatai avec soulagement qu’enfin Baltyr semblait dormir paisiblement et que la fièvre était tombée. Quand il s’éveilla à son tour, il mit un certain temps à se rappeler ce qu’il faisait là et tenta de se relever avec une grimace. J’accourus pour l’aider à se redresser un peu et lui fourrai un gros ballot de paille dans le dos. Il me détailla en silence, une main sur ses côtes qui devaient encore le faire beaucoup souffrir et rompit le silence. Quelle surprise, sa voix était claire et bien plus douce que celle de l’usurpateur. - Tu m’as sauvé la vie, me dit-il simplement. - Oh, nous étions deux, je n’ai pas de vrai mérite. Sans Boon, mon ami, je n’aurais jamais réussi à te libérer. Et puis, honnêtement, si Boon n’avait pas maintenu que tu étais un esprit bon, je ne serais pas venu te chercher. Ce flot de paroles cachait ma confusion. Il était vrai que j’avais été tenté d’abandonner ce traître de Baltyr et ma honte n’avait fait que croître depuis que nous avions retrouvé le véritable Baltyr. Je me mis à lui raconter toute l’affaire sans rien omettre ne lui laissant pas le temps de m’interrompre. Quand j’eus fini, Baltyr ne dit pas un mot. Son regard planait bien au dessus de moi et un sourire d’une grande douceur illumina son visage abîmé. - Tu n’as pas à t’en vouloir. Malgré mon expérience du danger, j’aurais certainement réagi comme toi. Et face à ma mine contrite : - Allons, ne fais pas cette tête ! Il n’y a rien de grave. Au contraire, profitons du confort de notre chambre d’hôtel. D’après ce que je comprends, une longue marche nous attend… Et c’est ce que nous fîmes. Je regardais passer les jours avec une angoisse croissante car Cléia, ma chère Cléia, je le savais, devait penser que je l’avais abandonnée. Mais j’essayais de garder mes préoccupations pour moi car je savais également que la route serait longue jusqu’à la maison de Baba-Yaga et que Baltyr, mal en point, nous serait un frein considérable. Cependant, Baltyr ressentait vivement mes inquiétudes et faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas trop retarder notre départ. Comme il ne pouvait pas accélérer sa guérison, ni même participer aux préparatifs du départ, il chercha une tâche à sa mesure. Ses vêtements étaient en haillons et Baltyr savait qu’il ne supporterait pas le froid mordant de février dans cette tenue. Il lui fallait des vêtements mais il était impensable d’en trouver à sa taille chez les géants. Il avait trouvé nombre de tissus dans notre caisse, des serviettes et des torchons surtout, dont les géants ne semblaient pas faire grand usage. Mais il lui manquait une aiguille pour coudre et il demanda à Boon de lui dénicher dans la cuisine quelque chose qui puisse faire office d’aiguille. Et Boon, partit illico. Il n’y avait aucun danger, les géants étaient partis et la cuisine était aussi déserte que silencieuse. Boon furetait de ci de là et nous l’observions par les interstices de la caisse. Mais soudain, un gros charivari se fit entendre et on vit Boon débouler comme un fou dans la caisse et essayer de trouver un objet pour obturer le trou qui nous servait d’entrée. Avant même qu’il ait eu le temps de condamner notre accès, une énorme patte velue s’introduisit avec fureur « chez nous ». - Ch… ch… chat ! souffla Boon apeuré.
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