C’est une affreuse douleur qui me fit reprendre conscience. Mon visage… Mes mains… Je portai mes mains à la hauteur de mon visage et vis qu’elles étaient bandées. Je me rendis alors compte que je n’étais pas transi de froid. En effet, j’étais couché en chien de fusil, loin du rivage, sur une sorte de paillasse faite de feuillages et d’herbes coupées et mes vêtements m’avaient été enlevés. Sans trop bouger, j’examinai les environs et fus soulagé de voir Baltyr assis en tailleur auprès d’un feu. Lui aussi s’était dévêtu et nos frusques séchaient en fumant sur des branchages tout près du feu. Je me souvins… Je fermai mes yeux sur la tragédie qui s’était déroulée et dont les images ne me quittaient pas. Boon… Boon avait transgressé mes ordres pour nous sauver la vie. Et moi, indigne, je n’avais pas été capable de sauver la sienne. J’étouffai un sanglot. Baltyr se retourna et me livra un visage défait par la contrariété : - Je l’ai cherché partout… Je crois que… Baltyr n’eut pas le courage de terminer sa phrase. - Il nous a sauvé la vie… ajoutai-je. Il nous a sauvés et je n’ai pas pu l’arracher à leurs griffes… - Lullaby, non… Il savait ce qu’il risquait en plongeant dans leurs eaux. Un lutin de Cornouailles sait à peine nager et ses ailes mouillées ne lui sont plus d’aucune utilité. Il savait, contra Baltyr. - Cela ne me consolera pas, murmurai-je. - Rien ne le pourrait. Mais Boon est mort noblement. Et notre route ne s’arrête pas là, objecta mon ami. J’acquiesçai faiblement. Baltyr me tendit mes habits presque secs et me recommanda de me revêtir. Je me débarrassai des feuilles qui me recouvraient et obéis. - Si seulement nous avions eu de quoi réellement nous défendre ! dis-je rageusement. Que pouvions-nous faire avec ces cottes de mailles, de petits cailloux et un énorme bouclier ? Cette boule à rêves est un jouet, rien de plus ! Quel cadeau ! Merci, Dame des Bois, soufflai-je avec colère. Je pris la boule à rêves et m’apprêtai à la briser par terre. Baltyr cria : Non ! Et tenta de m’en empêcher mais je la jetai de toutes mes forces. Pourtant, la boule ne se brisa pas. Elle s’abattit sur le sol caillouteux et roula dans le feu. Alors, elle se mit à luire, à étinceler, et un flot de lumière éblouissante en jaillit. Une kyrielle de papillons s’envola. L’herbe se mit à recouvrir les cailloux. Un parfum de violettes et d’humus embauma l’air. Une voûte étoilée obscurcit le ciel et des arbres majestueux nous entourèrent. - Je comprends ta douleur, jeune Domovoy, murmura à mon oreille une voix suave que je reconnus immédiatement. Bien vite, Baltyr mit un genou à terre alors qu’une rage sourde m’envahissait et m’incitait à rester debout. Au centre de ce qui avait été il y a quelques minutes un feu, se tenait, impérieuse, la Dame des Bois. - Paix à toi, Baltyr, mon fils. - Paix, ma Dame. Par la barbe de Zmeï ! Ainsi, ils se connaissaient ! La Dame des Bois avait appelé Baltyr « fils » et lui souriait ! Mon cœur se referma sur ma peine et ma colère. De plus, j’éprouvai une pointe de jalousie incompréhensible. La Dame se tourna vers moi et son regard, en m’enveloppant de douceur, me mit à nu. - Pourquoi ton âme est-elle si rouge de colère ? demanda-t-elle. - Vous le savez très bien ! Cléia a été enlevée. Et je viens de perdre un de mes compagnons ! J’ai imploré votre aide et vous n’avez été capable que de jouer avec nous en nous envoyant une fausse aide ! A cause de vous, je n’ai pas pu sauver mon ami ! Alors, que m’importe votre présence maintenant que le mal est fait ! Mon ami est mort et c’est tout ce qui a de l’importance pour moi !
La réaction de la Dame des Bois? Hi hi, petits curieux! Je vous en parlerais un peu plus tard, j'ai promis des crêpes à Baltyr qui ne va pas tarder... Restez avec nous pour en déguster quelques unes...
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