Ma mère avait toujours rêvé d'adopter un Montagne des Pyrénées, vous savez, la Belle de Belle et Sébastien. L'année de ses 30 ans, mes grands-parents lui avaient fait la surprise de l'amener dans un élevage et elle avait choisi une petite boule de neige qui s'appelait Aloïs. Il avait un pédigree, attention, et même une particule! Aloïs était vite devenu notre grand ami, à nous, les enfants et sa patience exemplaire allait jusqu'à supporter les assauts enjoués de l'autre jeune chien de la famille et la folie du chat de la maison. Je préciserais aussi que nous vivions en pleine campagne et que mon père travaillait à l'époque en 3/8, c'est-à-dire qu'il alternait une semaine de travail le matin, puis l'apres-midi, puis le soir. Ainsi, une semaine sur trois, ma mère, mon frère et moi restions seuls dans notre grande maison. Ce soir-là, ma mère et moi regardions la télé alors que mon petit frère était allé se coucher quand nous avons entendu des bruits inquiétants au dehors. Les bruits se répétèrent et nous avons bondi sur nos jambes. Le portail avait été franchi et Aloïs se rua vers la porte d'entrée, en grognant, les babines relevées sur ses crocs impressionnants. Il faut que je précise qu'un Montagne des Pyrénées, dressé sur ses pattes dépasse d'une tête au moins un homme debout et qu'à l'origine, ces chiens n'hésitaient pas à s'attaquer à des ours!! Pendant ce temps, ma mère m'avait fourré un lave-pont entre les mains (je me demande toujours ce que j'aurais pu en faire pour me défendre...) et s'était armée d'un grand couteau de cuisine. La porte d'entrée! Derrrière la vitre dépolie, on voyait à présent des silhouettes et on entendait distinctement qu'ils avaient entrepris de forcer la serrure. Aloïs n'hésita pas, il courut, se jucha sur ses pattes arrières, s'appuya contre la porte, plus menaçant que jamais. On n'avait jamais vu le placide chien dans un tel état et aucune de nous n'eut l'idée de s'approcher de lui : il faisait son travail! Il aboya et grogna tant et tant, en donnant des coups dans la porte que les cambrioleurs prirent peur et s'enfuirent sans demander leur reste. Mais Aloïs resta sur le qui-vive jusqu'à ce que mon père rentre du travail à 4h du matin. Posté face à la porte, il était impossible de le détourner de sa garde. Nous eûmes peur qu'il n'attaque mon père mais quand il entendit le cliquetis des clés dans la porte d'entrée, il se redressa, se mit à remuer la queue et accueillit mon père comme si rien ne s'était passé. Encore aujourd'hui, nous nous sentons redevables envers lui car sans son intervention, qui sait ce qu'il serait advenu de nous... Et puisqu'il a rejoint le paradis des chiens bien trop tôt, nous sommes sûrs qu'il protège les moutons de nuages du bruit menaçant de l'orage...
Ceci est également une histoire vraie mais je n'ai pas de photo à vous montrer de cette montagne de tendresse...
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