Baltyr reprit sa posture d’allégeance et remercia puis, relevant la tête : - Aurons-nous l’audace de demander à sa majesté qui a annoncé notre venue ? La Reine ne répondit pas mais s’effaça sur un bord du balcon. Et là… et là ! Là, je tombai à genoux sur le sol. Cléia ! Ma fée-jonquille s’envola du balcon et frôla ma joue de ses ailes délicates. Mon cœur battait à tout rompre, mon âme s’envola. Une modulation cristalline se fit entendre et tous les Esprits nous laissèrent seuls. Quand les premiers instants d’émoi silencieux furent passés, Cléia prit conscience de la présence de Baltyr et elle sursauta, le visage soudain dur, prête à se défendre. - Non, Cléia, Baltyr est notre ami, enfin… ce Baltyr-là est notre ami, dis-je. Cléia sans se détendre mais curieuse de savoir ce que signifiait ma dernière remarque, s’assit sur une branche basse et accepta de m’écouter. Je lui racontai la forêt aux mille leurres après sa disparition, Boon, le lutin espiègle, notre dispute au bord de la rivière des Lobastas, la cité des géants des sables, les deux Baltyrs, notre retour, le gué des Lobastas et puis… arrivé à l’acte héroïque de Boon, sans que je le veuille, les larmes que j’avais contenues, mon chagrin, mes craintes, s’écoulèrent et chaque larme qui tombait dignement était comme un aiguillon qui me transperçait le cœur. Baltyr s’était approché de moi et je sentais, avec reconnaissance, le poids de sa main sur mon épaule. Quand, la voix brisée par un si long récit et par la douleur que je ressentais, je me tus, la nuit était tombée depuis longtemps. - Pardonne les larmes de Lullaby le jour où il te retrouve… Le retour n’a pas été facile, s’excusa Baltyr. Mais Cléia ne m’en voulait pas et, bien au contraire, comme tous les membres de son clan, elle éprouvait toute mon affliction et plus encore… - Je peux comprendre, dit-elle, de sa petite voix haut perchée. Et bien mieux que vous ne pouvez le penser… Et Cléia se mit à nous raconter sa vie chez Baba-Yaya, son emprisonnement, les révélations que la sorcière lui avait faites, son évasion ratée et sa liberté retrouvée… - Mais à quel prix ? ajouta-t-elle. J’ai eu la réponse à la question que je me posai avec crainte et maintenant, je sais que ma sœur n’est plus… A son tour, ses yeux se voilèrent. - Personne ne pourra remplacer ta sœur… commença Baltyr, mais peut-être accepterais-tu deux frères pour t’aider à porter ta peine… Alors Cléia voleta jusqu’à Baltyr, posa sa main sur celle de mon frère et, à travers ses larmes, lui sourit. Le début de la soirée fut morne et silencieux aussi. L’estomac noué par tout ce que nous avions à accepter, nous parlions peu, les yeux ouverts car nous étions incapables de trouver le sommeil. Nous racontâmes à la fée que la Dame des Bois était venue nous rencontrer, nous avait consolés comme elle l’avait pu, nous avait soignés et nous avait révélé que nous étions frères. - Elle nous a demandé de te dire que tu manquais à ton clan… ajoutai-je. Cléia ne répondit pas tout de suite, respirant calmement, les yeux fixés sur le manteau de la nuit. - Je ne pense pas que j’y retournerais, tu sais… - Voyons, Cléia, qu’est-ce que tu veux dire ? Je te ramènerais là-bas ! m’emportai-je. - Lullaby, tu sais très bien, tout au fond de toi, que notre route ne s’arrête pas là, sous cet arbre ! Mais là n’est pas la question… Aujourd’hui, je sais, je sens, que ma place n’est plus auprès de mes sœurs car je n’y trouverais plus la paix. Il me manquerait l’essentiel… Ma fée-jonquille se tut, en proie à une vive émotion que je ne cernais pas, les yeux brillants et les joues rouges. Je dus paraître sot, rêvant pourtant d’une réponse que j’aimerais qu’elle fasse… - Que te manquerait-il, petite fée ?
Qu'auriez-vous pensé qu'elle réponde??? a vous de l'imaginer en attendant la suite de mes aventures...
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