Le poète c'est un ouvrier
On aboie au poète: "Toi, je voudrais t'y voir devant un tour. Quoi ? des vers ? Des balivernes ! Qu'il faille être au travail, on fait le sourd." Peut-être que Personne Comme nous N'a le coeur à l'ouvrage. Je suis une fabrique. Et si les cheminées me manquent, Peut-être, Sans cheminées, Ne faut-il que plus de courage. Je le sais: Vous n'aimez pas les phrases creuses. Quand vous sciez du bois, c'est pour faire des bûches Et nous, Que sommes-nous sinon des ébénistes, A façonner la tête humaine, cette bûche. Bien sûr, La pêche est chose respectable. Tirer les filets. Qui sait ? un esturgeon ! Mais le travail du poète est plus profitable, La pêche aux hommes vivants, voilà qui est mieux. Enorme travail brûlant devant les hauts fourneaux Où l'on trempe le fer grésillant. Mais qui Oserait nous dire fainéants ? nous polisssons les cerveaux d'une langue râpeuse. Qui l'emporte - poète, Technicien Menant Les hommes aux avantages pratiques ? Les deux. Les coeurs sont aussi des moteurs. L'âme aussi, habile force motrice. Nous sommes des égaux. Camarades d'une masse ouvrière. Prolétaires du corps, de l'esprit. Unis seulement, Seulement ensemble nous saurons parer l'univers, L'accélérer sur un rythme de marche. Devant le flot des mots, dressons une digue. A l'oeuvre ! le travail neuf et vivant. Et les creux péroreurs Au moulin ! Qu'on les donne au meunier ! Que l'eau des leurs discours fasse tourner les meules.
Vladimir Maïakovski Maïakovski, Vladimir Vladimirovitch (1893-1930), poète, dramaturge, scénariste, dessinateur et propagandiste russe. Figure éminente du modernisme. Le premier à avoir utilisé le terme de « futuriste » fut, le 24 février 1913, le poète Vladimir Maïakovski, à l’occasion d’un débat sur l’art contemporain, même si le néologisme slave de budetljany (les hommes de l’avenir), qu’introduit le poète Vélimir Khlebnikov, eut un succès bien plus grand. « Le futurisme n’est pas une école, c’est une nouvelle attitude », écrivit David Bourliouk, l’artiste ukrainien qui, en 1911, figure parmi les fondateurs du Groupe de Gileja, d’où s’est inspiré officiellement le futurisme russe, une expérience qui se poursuivit, avec des résultats alternés, jusqu’en 1930, l’année de la mort de Maïakovski et de la fin de l’élan novateur.
« Les Futuristes russes définissaient eux-mêmes budujany, gens de l’avenir et plaidaient pour la destruction du vieil art mangé par les mites ». « Les Futuristes russes considéraient l’homme comme une partie de la terre et de la nature ».
|