Je balaie les rues de la corolle livide de ma jupe. Ma respiration est ocre, mes yeux trop noirs. Je m’enivre de colère à chacune de vos portes, ma tête s’alourdit de peine. Mes cheveux brouillent ma vue. Je n’ai jamais fait de mal. J’ai le cœur en lambeaux, les pieds en charpie. Même les doux entrelacs des routes ne peuvent contenir ma douleur. Je suis fourbue de douleurs. Elles éclosent sur mes lèvres comme des roses aux parfums entêtants et aux épines acérées. Je n’ai rien à perdre. Je balaie du regard votre indifférence. Je dépoussière vos villes, romps l’enracinement de son lierre empoisonné. Je n’ai rien à perdre. Alors pourquoi mon cœur se fait si vide ? Je connais de lourds secrets. Ma connaissance des hommes m’empêche de me relever. Je m’enracine à mon tour, mes cheveux s’enfoncent dans vos trottoirs et me clouent dans cette grisaille morne. J’espère qu’une vague m’emportera dans son ventre de velours, dans son eau sucrée et douce comme une amande. J’espère qu’elle m’emportera loin, là où les routes sont sans fin, où il n’y a aucun mur sur lequel se cogner, avec l’horizon pour seul obstacle. Je pourrai rire dans ma langue, la langue de personne mais où viennent prendre source toutes les vôtres. Et apaisée, je pourrai vous regarder le monde tourner sur lui-même pour tenter de réfréner ce mouvement qui nous emporte tous.
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