Tourner le dos au gué de la rivière des Lobasta. S’éloigner de Cléia. La laisser livrée à elle-même. Mieux valait ne pas y penser et avancer vaillamment. Ma confiance en Boon m’aveuglait peut-être pourtant je le croyais lorsqu’il disait que ma fée-jonquille n’était pas en grand danger et j’avais, pour je ne sais quelle obscure raison, envie de croire que Baltyr avait eu une excuse pour nous faire tomber dans un piège. Nous laissâmes peu à peu de côté la forêt. Les arbres se clairsemèrent jusqu’à devenir d’une rareté étrange. Le sol qui, jusqu’alors, avait été jonché de feuilles mortes et de mousse épaisse devint sec et poudreux. - Boon, comment sais-tu que des géants vivent là-bas ? - Houp, houp, Boon sait de nombreuses choses. Personne n’a parlé à Lullaby de la mémoire collective des êtres féeriques ? Houp ? Si, j’en avais entendu parler, mais je maîtrisais fort mal ce don de nos ancêtres. J’enviais secrètement Boon qui se fiait sans douter à ce que son cœur lui dictait. - Lullaby n’a pas à jalouser Boon. Boon est un esprit ancien, bien plus vieux que Lullaby. Houp, houp. Boon a eu le temps d’apprendre et de faire confiance, houp. Boon lit dans la Mémoire Magique comme les hommes lisent dans les livres. Houp. Boon, un vieil être magique ? Pourtant, je ne lui aurais pas donné plus que quelques centaines d’années tant son corps frêle, ses yeux tendres et son langage enfantin me donnaient l’image d’un être primitif. Je lui souris et nous forçâmes le pas.
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