Tout compte fait, ce voyage prenait une tournure plutôt plaisante. Assis presque confortablement dans les revers de la botte du géant, nous avancions sans nous fatiguer et à très vive allure. Passés les premiers hauts le cœur que nous causa ce nouveau moyen de transport, nous profitâmes grandement de ce repos bien mérité. - Boon ne pense pas que le voyage de retour sera aussi facile… Je m’en doutais bien. Il nous faudrait être aussi discrets que de petites souris pour trouver et libérer Baltyr. Mais si, par malheur, nous nous faisions repérer, la partie serait difficile à gagner. Je sortis de ma besace notre dernière pomme et en offris la moitié au lutin de Cornouailles. A présent, nous n’avions plus rien à manger. Le trajet qui nous aurait demandé plusieurs jours de marche sans halte ni repos ne dura pas plus d’une bonne heure. Nous nous dressions de temps en temps sur la pointe des pieds pour voir la distance qu’il restait à parcourir pour atteindre les falaises. Lorsque ce fut le tour de Boon d’aller faire le guet, il se tourna vers moi en souriant et me dit simplement : - Nous y sommes !
Alors, se posa à nous une question à laquelle nous n’avions pas voulu penser jusque là : comment descendre de la botte-taxi sans nous faire repérer et sans nous faire mal ? Nous n’eûmes pas le temps d’y réfléchir. Le géant entra dans une pièce et les semelles de ses bottes claquaient à chaque pas sur les carreaux de pierre. Une secousse nouvelle nous ébranla et nous comprîmes que le géant s’était assis en poussant un soupir d’aise. Lorsque nous voulûmes nous hisser hors de la botte, nous vîmes deux gigantesques mains s’avancer vers nous et nous nous repliâmes à l’abri. Secousse. Secousse. Secousse. Et la botte fut jetée à terre, avec ses deux passagers clandestins.
Un autre géant, qui semblait être le serviteur de notre géant, s’échinait à ôter les bottes de son maître. Boon, remis sur pied, fit un mouvement pour sortir de notre cachette. Je n’eus pas le temps de tirer Boon vers moi avant que la deuxième botte monumentale s’abatte sur la première. Nous étions sonnés mais saufs et c’était pour l’instant l’essentiel. Nous nous dégageâmes de l’amas de cuir et, après nous être assurés qu’aucun œil de géant ne nous avait repérés, nous nous élançâmes le plus vite que nous le pûmes pour nous cacher derrière un gros coffre de bois. Les distances étaient extraordinairement longues dans la demeure des géants et nous faudrait certainement des jours et des jours pour nous orienter, tout autant pour trouver Baltyr, et je ne parlais même pas du sauvetage, de l’évasion, encore moins du retour vers le gué des Lobasta !
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