Boon jeta un œil à la porte noire et laissa échapper un « houp » d’inquiétude. On venait vers nous. Boon redoubla d’efforts pour me sortir de là pendant que j’entendais les pas se rapprocher inexorablement. Que faire ? La grille dans laquelle j’étais coincé se trouvait pile à la hauteur de la tête des ogres. On me verrait, c’était fatal ! Il fallait au moins que l’un d’entre nous reste libre afin qu’il puisse venir en aide aux autres. Boon semblait mieux placé que moi pour passer inaperçu! Je lui ordonnai d’aller se cacher où il le pourrait. Boon ne dit mot et partit à tire d’ailes se dissimuler dans un recoin sombre de la geôle de Baltyr. Les pas sonnaient de plus en plus fort dans le couloir et finirent pas cesser. Je me contorsionnai pour regarder derrière moi et ne vis qu’un énorme bouton de chemise. C’était une sacrée chance : même pour les géants, ce soldat-là devait être fichtrement grand ! Un cliquetis de clés se fit entendre, le penne de la porte joua son gros glong métallique et la porte fut ouverte avec violence avant de taper contre le mur. Pauvre de moi ! La porte se referma en claquant et j’eus devant moi le dos monstrueux du géant. Il s’approcha d’un pas lourd de la minuscule tache sombre recroquevillée au sol et lui assena un terrible coup de pied. La masse ne bougea presque pas mais gémit doucement. Une vois abyssale emplit la salle de son écho. Es-tu décidé à parler aujourd’hui ? Que faisais-tu sur notre territoire ? La petite chose au sol émit une plainte déchirante : Je vous l’ai déjà dit, j’allais rejoindre un ami. Je ne faisais que traverser vos terres. Mensonge ! Tu es un espion ! Le Versant du Sud veut savoir ce qui se trame chez les géants des sables. Avoue si tu ne veux pas subir mon courroux. La petite ombre au sol se roula un peu plus en boule avant qu’un autre coup de pied ne l’atteigne. Sa présence sembla se diluer encore un peu dans la pénombre de la prison. Pendant ce temps, et sans quitter des yeux cet odieux spectacle, je me dandinai et me tortillai en tout sens pour m’extirper de mon piège. Alors que je parvenais au but, laporte s’ouvrit en grand et le géant sortit. Garde ! Pas de pain pour cette cellule ! Et la porte se referma avec fracas, me propulsant à la vitesse d’un bouchon de champagne dans la pièce. Et si Boon ne m’avait pas rattrapé au vol, mes os se seraient brisés contre les murs verdâtres.
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