Moi, Cléia, fée sylvestre, fille du vent et de la brume, je fais le serment de ne pas finir en rillettes pour sorcières ! Ma première tentative d’évasion ratée aurait pu me décourager mais, au contraire, elle me galvanisa. Cent fois, je fis le tour de ma cage, cent fois, j’en cherchai les failles, cent fois, je fus déçue. Le gnome me répugnait et je l’ignorai à présent superbement quand il s’approchait de moi. Un jour, il entra en titubant dans la chaumière, ânonnant des mots sans suite. Le regard vitreux qui balaya l’espace me fit comprendre qu’il s’était sans nul doute enivré avec du nectar de fleurs macérées. C’est une boisson dont les gnomes raffolent (yeurk !) mais dont ils abusent jusqu’à en être ivres ! Il ne faut pas s’étonner qu’après, les gnomes aient mauvaise réputation ! Il s’avança en butant contre la table, marmonnant toujours tout bas des phrases sans queue ni tête : - Un gnome banni…Servir la sorcière… Et seul… seul… banni des gnomes… Sa faute… Sa faute ! Pris d’un accès de colère, il se mit à tout renverser dans la maisonnette. Quand plus rien ne subsista, il prit une chaise et la jeta avec une rage folle en direction de la fenêtre pour en casser les carreaux. Mais sa visée devait être altérée par le nectar et c’est contre ma cage que la chaise éclata. J’eus le secret espoir que, sous l’impact, elle se briserait mais cela ne fut pas le cas. La cage accusa le coup en ballottant dans tous les sens et je m’accrochai fermement aux barreaux pour ne pas être assommée contre les parois. Le bruit dégrisa un peu le gnome qui resta saisi du désordre qu’il avait causé. Il partit en courant et je sus qu’il ne se présenterait plus jamais devant Baba-Yaga. J’étais donc débarrassée de sa compagnie encombrante. Je serais dès lors et jusqu’au retour de Baba-Yaga, seule… et privée de nourriture ! C’était le moment de réfléchir et de quitter mon hôte. Je m’aperçus avec joie que la cage avait moins bien supporté le choc que je ne l’avais cru au départ. C’était une vraie chance car un barreau avait été desserti ! Avec force efforts, je parvins à déloger le barreau et, enfin, je pus sortir ! Comme l’air paraît plus étourdissant lorsqu’on est libre ! C’est ce que ce que je me disais en m’élançant dans les airs. Mais hélas, je n’avais pas été assez vigilante et, toute à mon entreprise d’évasion, je n’avais pas entendu la porte s’ouvrir… ou alors, était-elle arrivée par magie jusque dans la chaumière ? Le fait est que je n’eus pas fait plus de deux battements d’ailes qu’une main osseuse, sèche et rugueuse se referma sur moi comme sur une mouche ! Sans que j’aie eu le temps de dire ouf, je fus enfermée dans un gros pot en terre, resté intact malgré la frénésie du gnome. Le rire grinçant de Baba-Yaga se fit entendre : - Tu ne croyais tout de même pas que tu allais pouvoir t’échapper aussi facilement ! Cet incapable de gnome a bien failli tout gâcher en se débarrassant de mon emprise magique et en saccageant ma maison, mais hélas pour lui, c’était sans compter sur mon corbeau qui m’a bien vite avertie ! Le gnome ne se plaindra plus que mon service lui ait fermé la porte de la cité des gnomes à présent. Bienveillante Baba-Yaga. Elle ne laissait rien au hasard. J’éprouvai soudain une grande pitié pour le gnome qui n’était que l’esclave de la sorcière et y avait perdu son clan. Quant à ma situation, elle n’était pas désespérée mais pas non plus très encourageante. A la lueur de mes ailes, j’observai ma nouvelle prison. Les parois étaient faites d’une terre cuite épaisse et j’eus d’abord l’idée de le faire tomber pour qu’il éclate en mille morceaux. Mais il était bien trop lourd et je retombai, découragée, par terre.
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